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"Aidez-moi à faire réparer cette injustice?": Thomas, auteur d’un livre sur La Soupe aux choux, heurté par une mention "injurieuse" sur un nouvel essai

Thomas a mis ses tripes et des années de recherches dans un livre consacré à La Soupe aux choux, l’avant-dernier film de l’inoubliable Louis de Funès. Deux ans après sa publication, un autre ouvrage édité par une maison d’édition qu’il avait contactée, traite du même sujet et est présenté comme "le premier à prendre ce film au sérieux".

A l’occasion du quarantième anniversaire du film La Soupe aux choux, Thomas, grand passionné de cinéma et écrivain à ses heures, a publié en 2021 un livre consacré au long-métrage avec Louis de Funès. Le mois dernier, il a découvert "tout à fait par hasard" qu’un nouvel ouvrage était annoncé sur le sujet par l’une des maisons d’éditions avec qui il avait été en contact à l’époque. Et "l'éditeur le présente comme ‘le premier à prendre ce film au sérieux’". Remarque qui a heurté celui qui a compilé "des années de recherches pointues". "Je tente de faire supprimer cette mention mensongère et injurieuse à l'égard de mon travail, mais cet éditeur fait la sourde oreille", écrit-il encore, via le bouton orange Alertez-nous.

On regarde un de Funès comme les enfants pourraient regarder un Disney

Quand le film est sorti en 1981, Thomas n’était pas né. Pourtant, le trentenaire nourrit une passion de collectionneur pour Louis de Funès et son œuvre depuis plus de 25 ans. "Comme beaucoup de gamins, j’ai toujours été intrigué par ces films. Puis j’ai eu en main une affiche originale, et il y a eu un déclic à ce moment-là. J’ai eu envie de collectionner… Pas les gadgets, les t-shirts, tout cela ne m’intéresse absolument pas. Mais, plutôt dans l’esprit archiviste, j’avais envie de rechercher des archives qui témoignent de son passé, de toute sa carrière. Et de fil en aiguille, cette collection s’est agrandie".

Qu’est-ce qui le fascine autant chez de Funès ? "Je crois que c’est son jeu, sa mimétique… C’est un comique très visuel, très physique. C’est aussi pour ça que ça fonctionne chez les tous petits et dans un très grand nombre de pays à l’étranger. Et puis, il a aussi un phrasé particulier, une intonation qui lui est propre. C’est un personnage à part entière, il a créé un style. On regarde un de Funès comme les enfants pourraient regarder un Disney, par exemple. C’est une marque de fabrique, une valeur sûre, un gage de bon divertissement". Il confie d’ailleurs parfois revoir ses fims avec ses beaux-enfants : "Et oui, ils aiment bien", dit-il dans un sourire. 

J’avais envie de réhabiliter ce film qui était souvent mal considéré par les critiques

De Funès est effectivement l’un des acteurs comiques les plus célèbres et emblématique du cinéma français de la seconde moitié du XXème siècle. Il a joué dans près de 150 films. 

Mais pourquoi ce journaliste freelance et critique de cinéma a-t-il choisi d’écrire sur ce long métrage particulier dans l’impressionnante filmographie de l’artiste ? "J’ai remarqué que souvent les biographies avaient tendance à négliger sa fin de carrière, à la résumer à la seule réalisation du film L’avare. Or, Louis de Funès a aussi participé et il était même quasiment maître d’œuvre avec Jean Girault du film La Soupe aux choux, qui arrive un an après L’avare. J’avais envie un peu de réhabiliter ce film qui était souvent mal considéré, par les critiques de l’époque et par certains critiques actuels. Mon travail balaie toute la genèse du roman de René Fallet, tout le tournage du film". 

C'est beaucoup plus qu’une "simple" comédie

Pour lui, la Soupe aux choux, c’est beaucoup plus qu’une "simple" comédie : "Je crois qu’il y a un message très poétique derrière tout ça. Ce n’est pas simplement deux vieillards qui s’en vont vers une autre planète, c’est une métaphore du dernier voyage, de l’au-delà. Et c’est ce qui en fait aussi un film à part dans la carrière de Louis de Funès. Malheureusement, il n’a pas eu l’occasion de développer cette partie-là puisqu’il est décédé très peu de temps après".

Avec son idée et son projet en tête, Thomas contacte en 2019 plusieurs maisons d’édition : "Il n’y en a pas énormément en Belgique, on a vite fait le tour". Il envoie notamment un courrier à Yellow Now, la maison qui vient d’éditer le livre de Thibaut Bruttin sur La Soupe aux choux. "Il n’y a pas eu d’aboutissement pour une édition chez eux, parce qu’il fallait répondre à différentes conditions, notamment de longueur. J’aurais dû réduire mon ouvrage à un tiers, ce que je n’avais pas spécialement envie de faire"

Quand on écrit, on dépense plus d’argent, qu’on en gagne

Finalement, Thomas publie La Soupe aux choux, le dernier envol en 2021, à compte d’auteur, c’est-à-dire qu’il paie lui-même les frais d’impression et de publicité de son livre. "C’était dans le cadre du quarantième anniversaire du film. J’avais envie de rendre hommage à cette occasion-là puisque je savais que différents événements allaient avoir lieu. Le but pour moi, ce n’était pas de faire une opération commerciale. Quand on écrit, on dépense plus d’argent, qu’on en gagne. Je voulais simplement que ce livre aboutisse et surtout qu’on respecte tous les gens qui ont participé, parce que pour moi chaque témoin a quelque chose d’intéressant à dire. Il n’était pas question que je coupe un témoignage par rapport à un autre. Il y avait aussi cette liberté-là que je voulais garder dans le contenu, ce que je n’aurais pas spécialement eu avec une maison d’édition".  

Et puis le mois dernier, il apprend que Yellow Now allait proposer un livre sur La Soupe aux choux. "Ça a attiré mon attention. Mais, n’importe qui peut travailler sur un même sujet, ce n’est pas la question".

Voir son travail balayé d’un revers de la main, ça ne fait pas plaisir

En essayant d’en savoir un peu plus, il découvre que "dans tous les référencements que j’ai vus de ce bouquin, on présente le livre de Thibaut Bruttin, comme le premier à prendre ce film au sérieux". Cette phrase le heurte. "Ça m’embête oui. Vous savez quand on passe autant d’années à faire et compiler des recherches, voir son travail balayé d’un revers de la main, ça ne fait pas plaisir". Et il considère cette remarque "erronée, mensongère et limite injurieuse à l’égard de mon travail, à partir du moment où l’éditeur et l’auteur ont eu connaissance de mon projet"

Il prend donc contact avec l’éditeur pour demander la suppression de cette mention : "A ce jour, ils ont supprimé cette mention sur leur site. Mais je vois toujours cette mention sur d’autres référencements en ligne". Et il reçoit une première réponse de l’éditeur : "Il disait qu’il voulait bien écrire une lettre d’information au moment de la sortie de l’ouvrage. Moi, j’ai répondu que ce n’était pas ce que je souhaitais".

Je veux juste que l’argumentaire soit modifié

Il poursuit : "J’ai la certitude que monsieur Bruttin a bien lu mon livre, il m’a d’ailleurs félicité pour mon travail. Je suis, parait-il, présent dans la bibliographie, ça c’est bien gentil. Mais, dans ce cas-là, il faut quand même reconnaître que non le livre de monsieur Bruttin n’est pas le premier à prendre ce film au sérieux, puisque le mien est sorti deux ans avant".

Thomas insiste: "Je veux juste que l’argumentaire soit modifié. Le but n’est pas de critiquer son travail, je n’ai pas eu connaissance de son écrit".

Contactée, l’ASBL éditions Yellow Now explique avoir été "un peu désemparée et surprise de le voir débarquer comme ça". "On a effectivement recherché son courrier. Dans les 50 courriers qu’on reçoit chaque semaine avec des propositions, on ne l’a pas retrouvé. Mais, il nous l’a renvoyé"

C’est beaucoup plus nuancé

Elle affirme que l’argumentaire litigieux "a été écrit par une personne responsable des couvertures et des quatrièmes de couverture. Cela indique au lecteur plus ou moins ce qu’il va trouver dans le livre. Le but étant simplement de donner un petit coup de projecteur sur le livre"

Et pour Yellow Now, "on peut comprendre à priori qu’il ait été choqué en voyant ‘pour la première fois’. Mais, ce n’est pas une phrase qui dit simplement que ce film est pour la première fois pris au sérieux. C’est beaucoup plus nuancé. Il y a un complément à cette phrase. Elle dit : pour la première fois prix au sérieux, sans hauteur, ni mépris, sans complaisance non plus, avec juste une pointe de provocation".  

Nous ne sommes pas capables d’interrompre toute publicité

Sur le fait que le livre de Thomas est cité dans la bibliographie ? "Il est cité parce qu’une bibliographie se doit d’être exhaustive, mais cela ne veut pas dire que ce sont les livres utilisés par l’auteur pour faire son travail. Je ne suis pas certaine qu’il puisse argumenter que son travail a servi de source", estime une responsable. 

Cependant, la maison d’éditions a bien retiré la mention "la première fois" sur son site internet qui énonce donc : "l’avant-dernier film de Louis de Funès est ici pris au sérieux"

Depuis notre interview, le résumé a également été modifié sur les sites des grands distributeurs. "Nous pouvons supprimer cette mention la première fois sur tout ce qui est document qui passe sur internet, sur des publicités, des promotions. Mais, nous ne sommes pas de toute façon capables d’interrompre toute publicité. Elle a déjà été diffusée par d’autres voies que par nous. Et d’autre part, la mention est sur la quatrième de couverture et ça le livre est imprimé. Il a sa couverture et il est dans les librairies".

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Pour changer une couverture, il faut faire un retirage. Cela coûte très cher

Thomas a joint la maison d’éditions, une semaine avant la publication du livre, était-ce trop tard pour modifier cet argumentaire ? Selon l’éditeur, oui : "Tout était déjà parti. De toute façon une couverture s’il faut la changer, il faut faire un retirage. Cela coûte très cher. Il faut d’abord retirer tous les livres qui sont dans les librairies. Il faut les retrouver. Il faut aller les chercher chez les gens qui les ont achetés. Ça, ce n’est pas pensable. Cela se fait quand il y a une atteinte véritable, comme une atteinte violente à l’égard de quelqu’un, là on le fait. Mais, en général après intervention d’autorité judiciaire. Ici, je pense que vraiment, ça ne le mérite pas", pointe encore la responsable. 

De son côté, Thomas considère que "l’erreur a été réparé à moitié", avec la modification intervenue sur les principaux sites: "J’ai dû beaucoup insister et à part ça, il n’y a pas eu une proposition de réparation. Je ne suis pas très content. Je ne sais pas trop comment me positionner".


 

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