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"Des excréments dans les caves", "une puanteur insoutenable": Marie et ses voisins sont victimes d’un égout défectueux... depuis deux ans

Depuis mars 2023, les habitants de la rue de Neufvilles à Soignies subissent un cauchemar lié à un égouttage défectueux. Entre nuisances insupportables et autorités se renvoyant la responsabilité, une riveraine a alerté notre rédaction pour dénoncer ces conditions.

Caves inondées, odeurs nauséabondes et terrains affaissés : les habitants de la rue de Neufvilles à Soignies subissent un calvaire. En cause, un égout cassé qui empoisonne leur quotidien. Marie (prénom d'emprunt) habite dans cette rue. Elle nous a contactés via le bouton orange.

"De l’eau et des excréments inondent les caves. Les terrains s’affaissent devant les maisons. Des pompes déversent les eaux usées à l’air libre, provoquant une puanteur insoutenable", décrit-elle. À ces désagréments matériels s’ajoutent des impacts psychologiques et sanitaires. "Nous sommes soumis à un stress constant, des problèmes de santé comme des bronchites dues à l’humidité ou encore de l’eczéma", ajoute Marie.

"Il risque d'y avoir des dégâts"

Mais cette situation n'est pas récente, Marie et les autres Sonégiens de la rue subissent ces soucis depuis presque deux ans. "En mars 2023, ma cliente va subir des remontées d’eaux usées en cave avec tous les désagréments que cela comporte", explique Maître Anaïs Blanckaert, avocate d’une des habitantes touchées.

"On apprendra ensuite qu’elle n’est pas isolée et que le même problème se pose dans une habitation d’Haute Senne Logement." Au final, c'est une vingtaine de maisons qui sont touchées par ce problème lié à l'égout. Malgré la gravité de la situation, les divers acteurs du conflit, la Ville de Soignies, la société Haute Senne Logement (HSL) et le Service public de Wallonie (SPW), "peinent à assumer leurs responsabilités", selon l'alerteuse. 

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Les habitants tentent de faire sortir l'eau de leur cave. ©David Claes (Sudinfo)

Contacté, le SPW a affirmé que "ce dossier concerne davantage les autorités communales et la société de logement Haute Senne Logement". Le SPW Mobilité et Infrastructures n’a pas souhaité répondre à nos questions : "Nous ne nous exprimons pas sur les procédures judiciaires en cours".

La Ville de Soignies certifie "prendre cette problématique très au sérieux et collaborer pleinement avec toutes les parties concernées". Elle a également tenu à introduire la Région Wallonne au dossier : "Ils sont gestionnaires de la voirie et les eaux provenant de cette voirie s’écoulent dans cet égouttage." Haute Senne Logement certifie que ne pas avoir "de nouvelles du SPW malgré des relances". Selon eux, "la Ville avait proposé d’aller chercher des subsides pour mettre une canalisation plus proche, mais cette solution est à l’arrêt vu l’absence d’accord entre les propriétaires".

Qui doit payer ? Un flou juridique sur la propriété

"Quand le problème a été signalé, la Ville a dit qu’il s’agissait d’un égout privé, donc elle n’interviendrait pas", explique Marie. Pourtant, selon la riveraine, la situation "pourrit la vie des gens et il risque d'y avoir des dégâts aux maisons si on continue à attendre". Une inspection révèle qu’une canalisation commune relie plusieurs maisons à l’égout public. Cependant, les autorités ne s’accordent pas sur sa propriété : est-elle privée ou publique ?

Selon les derniers chiffres du site officiel de l'État de l'environnement wallon, à la fin de 2021, 83,2% de la population wallonne était raccordée à un système de collecte des eaux urbaines résiduaires. Par ailleurs, environ 180.000 habitations wallonnes, soit 9% des logements, sont concernées par l'installation de systèmes d'épuration individuelle.

Une complexité que confirme Maître Blanckaert : "L’ensemble des protagonistes a découvert cette canalisation avec l’apparition du sinistre. Les différentes parties n’ont pas la même lecture sur le caractère privé ou public de la canalisation et surtout, il y a des implications financières qui se posent. Ce sera au juge de trancher."

La Ville de Soignies assure que ces maisons "sont raccordées à un réseau d’égouttage privé, avant de se reverser dans le réseau communal". Elle rajoute que "ce réseau privé est fortement détérioré".

La société de logement Haute Senne Logement (HSL), qui a autrefois géré ces maisons, affirme ne pas avoir connaissance de cette buse. "Ces dernières années, nous ne nous sommes pas inquiétés de comment était raccordé l'égout privé dans l’égout public, tout comme les 17 autres propriétaires", dit Lindsay Parizel, directrice gérante de Haute Senne Logement.

On nous demande de payer pour des égouts dont nous ignorions l’existence !

Les habitants déplorent également une gestion opaque de leurs terrains. Selon Marie, HSL leur a affirmé que les petits jardins à l’avant des maisons, où se situe l’égout, ne font pas partie des propriétés privées. Une déclaration qui ajoute à la confusion : "Ils veulent bien récupérer nos terrains, mais pas réparer l’égout cassé", s’indigne la Sonégienne. 

"Il existe un flou juridique quant à la propriété des parcelles concernées", confirme Lindsay Parizel. La directrice gérante détaille que certains actes "donnent la propriété jusqu’au trottoir, d’autres sans le jardinet", tandis que le cadastre semble "donner la propriété à chaque habitant".

Des travaux entre 10.000€ et 20.000€ pour les habitants

La société aurait estimé le coût des réparations entre 10.000€ et 20.000€ par foyer, un chiffre avancé sans devis concret. Elle aurait enjoint à chaque propriétaire d'intervenir, même ceux qui n'ont pas de problème direct : "On nous demande de payer pour des égouts dont nous ignorions l’existence !", s’insurge Marie. Un expert sur place aurait même déclaré qu’une réparation ne servirait à rien, car l’égouttage est peut-être effondré. La société HSL, quant à elle, met en avant une clause contraignant certains propriétaires à payer les travaux de canalisation.

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Les conditions spéciales des ventes – répartition solidaire et non une participation financière. ©Haute Senne Logement srl

Clause que certains considèrent comme "obsolète", selon les dires de Marie, qui ajoute : "Le notaire m’avait pourtant assurée qu’elle ne s’appliquerait pas". La directrice gérante de la société affirme que "certains actes ne reprennent plus toujours les conditions spéciales au fil des ventes". La société Haute Senne Logement affirme avoir "proposé d’avancer les fonds (investigations et travaux) pour les propriétaires et de mettre en place avec eux des plans d’apurement". 

La Ville de Soignies déclare avoir proposé une solution : les riverains peuvent se raccorder, à leurs frais, au réseau d'égouttage existant situé de l'autre côté de la voirie. Si des subsides sont obtenus, un second réseau pourrait être installé côté habitations pour réduire leurs coûts.

Une bataille juridique en cours

Sept propriétaires ont engagé un avocat et porté l’affaire devant la justice."Nous sommes aux prémices de l’expertise judiciaire", précise Maître Blanckaert. "Lors de la réunion d’installation, nous avons conclu que l’ensemble des propriétaires devait pouvoir prendre part à la discussion. Ceux-ci ont été invités à rejoindre l’expertise. Nous en sommes là pour l’instant."

La société HSL ajoute qu'au vu du "flou juridique entourant la propriété, aucune action ne sera entreprise avant le verdict remis par le Juge. Les propriétaires devraient prendre un géomètre pour clarifier l’étendue de leur propriété". En attendant, d'autres habitants, n’ayant pas pu se défendre légalement, ont reçu la visite d’huissiers. Une situation stressante pour tous, souligne Maître Blanckaert : "Ce type de procédure judiciaire est forcément long et stressant pour nos clients. Je ne perds pas espoir d’une issue amiable en cours de procédure."

Ces maisons sont abandonnées à leur triste sort

Pour la ville, "il est essentiel que toutes les options soient étudiées en profondeur afin de proposer une solution durable et efficace". Leur priorité est "de rétablir une situation normale pour les riverains, dans un esprit constructif et dans la légalité". Face à cette situation, les habitants réclament des solutions rapides et équitables. "Ils paient leurs taxes et impôts comme tout le monde. Mais ces maisons sont abandonnées à leur triste sort", conclut Marie. 

L’audience d’introduction est prévue pour le 12 février prochain. En attendant l’audience prévue pour le 12 février, les habitants restent dans l’incertitude. Ils espèrent que la justice tranchera rapidement pour mettre fin à ce calvaire.

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