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Homosexuel, Stéphane s’étonne de ne toujours pas pouvoir donner son sang en 2025 : « Je suis pourtant en parfaite santé »

Par RTL info avec Julie Duynstee et Louis Vandendriessche
Les stocks de sang de la Croix-Rouge s’amenuisent. Il y a peu, l’organisation a lancé une alerte en appelant la population au don. Stéphane a voulu participer en se présentant dans un centre. Seulement, son don a été refusé au motif de sa sexualité : Stéphane est gay et doit respecter une période de 4 mois d’abstinence sexuelle pour pouvoir donner. Une « discrimination » qu’il dénonce.

Il y a quelques jours, la Croix-Rouge a lancé un appel « super urgent » aux dons de sang pour pallier un niveau « très critique » des stocks de sang. Malgré un début d’été plutôt rassurant, la collecte a été mise à mal, notamment en raison de la présence du moustique tigre en Europe et les contre-indications liées aux voyages.

Sensible à cet appel, Stéphane s’est présenté spontanément dans un centre de prélèvement. Enthousiaste à l’idée de réaliser ce geste altruiste indispensable, ce jeune homme de 32 ans a vite déchanté. « Alors que je suis en pleine santé, je ne peux pas donner mon sang à cause de mon orientation sexuelle assumée. Je suis gay, en couple avec mon partenaire depuis bientôt 9 ans », confie le trentenaire via le bouton orange Alertez-nous. « Je vous avoue rester encore assez surpris par ce refus. C’est étonnant, surtout en 2025 ».

Stéphane n’est sans doute pas le seul à être étonné par cette loi en vigueur dans notre pays. Dans les années 80, les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes ne pouvaient pas donner leur sang. En 2017, cette exclusion totale a pris fin. Mais une abstinence sexuelle de 12 mois était exigée, même pour les couples « exclusifs ». Enfin, depuis juillet 2023, ce délai d’abstinence a été réduit à 4 mois.

Un comportement plus « à risque »

Le comportement sexuel est donc l’un des critères pour pouvoir donner son sang en Belgique. « Les relations homme-homme sont considérées comme représentant un risque plus grand de transmettre des maladies en raison de comportements plus à risque. Cela est prouvé par différentes études et des statistiques », explique Marie-Ange Moureaux, porte-parole du service du sang de la Croix-Rouge de Belgique.

Parmi les autres comportements sexuels considérés comme à risque, il y a aussi notamment le sexe en échange d’argent ou de services, le fait d’avoir plusieurs partenaires sexuels en même temps, le sexe de groupe. Tout cela entraîne une période d’attente de 12 mois. « En réalité, il existe toute une série de contre-indications liées à l’état de santé et aux maladies. Par exemple, une femme qui vient d’accoucher, une personne qui vient de subir une opération, une personne qui a un cancer, ne peut pas donner son sang. Si vous prenez certains médicaments, vous n’êtes pas non plus autorisé à le faire », énumère Marie-Ange Moureaux.

La prise de drogue et les voyages à l’étranger peuvent aussi être des contre-indications. Par exemple, vous ne pouvez pas donner votre sang pendant 6 mois si vous avez séjourné dans la plupart des pays africains parce que ce sont des pays impaludés, c’est-à-dire avec un risque de malaria. « Tout cela est décidé avec bienveillance pour limiter au maximum les risques puisque la poche de sang est destinée à une personne fragilisée », souligne la porte-parole de la Croix-Rouge. « Dans certains cas, c’est également la santé du donneur qui est préservée. Par exemple, si une personne ne pèse pas plus de 50 kilos, cela peut être problématique pour sa santé puisque la poche est calibrée. Nous devons donc protéger aussi bien les donneurs que les receveurs », ajoute-t-elle.

Concrètement, comment tout cela est contrôlé ? Tout d’abord, il faut remplir un questionnaire médical à votre arrivée au centre de prélèvement. « À ce moment-là, nous informons toujours les donneurs sur les comportements à risque. Ensuite, il y a un rendez-vous avec un médecin, avant le don, pour s’assurer de l’état de santé du donneur », indique Marie-Ange Moureaux, en précisant que le don de sang est toujours anonyme.

Si un de vos proches était dans le besoin de sang, n’aimeriez-vous pas que quelqu’un puisse le sauver, peu importe son orientation sexuelle ?

Par ailleurs, des analyses sont effectuées en laboratoire. « Après chaque don, la poche de sang est soumise à des tests. Une fois cette quarantaine terminée, la poche de sang est libérée. Ces contre-indications nous permettent de réaliser un tri au préalable car ces tests sont onéreux et prennent du temps », assure la porte-parole de la Croix-Rouge. « Je comprends que si quelqu’un est enthousiaste à l’idée de donner son sang, un refus est difficile à entendre, mais il existe vraiment de bonnes raisons », insiste-t-elle.

Une justification qui ne convainc pas Stéphane. Pour lui, demander à un homme homosexuel d’être abstinent pendant 4 mois est une discrimination. « Et si vous, vous aviez un proche dans le besoin de sang, n’aimeriez-vous pas qu’un être humain, peu importe son orientation sexuelle, puisse contribuer à la sauver ? Comment feriez-vous, de toute façon, la différence entre un homme hétéro qui peut avoir des aventures secrètes ou des pratiques non assumées avec une personne gay assumée ? »

Quid dans les autres pays européens ?

La situation est donc un peu figée depuis quelques années en Belgique. Autour de nous cependant, des évolutions ont vu le jour : chez nos voisins français et néerlandais, les personnes gays peuvent donner leur sang sans aucune restriction. Même chose chez nos autres voisins allemands, ou encore en Italie ou au Portugal.

« Nous avons publié notre point de vue en 2023 sur le sujet, et il reste le même : compte tenu des données scientifiques disponibles, dont celle du Conseil supérieur de la Santé, nous préconisons une levée de ce critère pour le don de sang », rappelle Unia, centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations et le racisme.

Dans son rapport, l’organisation appelle le ministre de la Santé publique et le Secrétaire d’État à l’Égalité des chances à élaborer une feuille de route visant la suppression totale de ce critère pour le don de sang, et insiste pour que l’un des éléments consiste à examiner en profondeur et à développer les mesures d’accompagnement que le Conseil supérieur de la Santé juge nécessaires, en concertation avec les acteurs concernés.

La Belgique n’est cependant pas un cas isolé sur le sujet : certains autres pays n’autorisent pas encore le don ouvert à tous et sans aucune contrainte : outre la Belgique, des pays comme la Roumanie, le Luxembourg, la Croatie ou la Norvège ne le permettent pas. Vous pouvez retrouver via ce lien un tableau reprenant l’entièreté des pays européens et leur vision vis-à-vis du don de sang.

« Récemment le ministre wallon de la Santé, Yves Coppieters, a annoncé qu’il allait interpeller Rob Beenders, ministre fédéral à l’Égalité des chances, à ce sujet car cette revendication fait partie de la Déclaration de Politique Régionale wallonne », précise encore Unia, qui explique recevoir quelques signalements par an à propos de cette discrimination basée sur l’orientation sexuelle.

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