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Il était 18h30 mercredi quand tout bascule pour Laurence et sa famille, en vacances dans le nord de la Tanzanie, près du Kilimandjaro. Alors que la révolte des Tanzaniens contre la cheffe de l’État vient de commencer, ils se retrouvent obligés de fuir leur hôtel car les émeutiers s’en approchaient dangereusement. Sur la route, ils assistent à des scènes terrifiantes. Toutes les rues étaient barricadées par des pneus en feu et des bouteilles en verre ont été lancées sur leur véhicule. En tout, leur trajet de l’hôtel à l’aéroport aura duré 1h30.
« 1h30 d’angoisse, de peur », nous confie Laurence. « Il y avait des bruits de coups de feu au loin, des cris. On devait absolument fuir, c’était horrible. La majorité des Tanzaniens possèdent une arme. On a vu des kalachnikovs, c’était vraiment impressionnant. On a dû passer par la brousse, on était dans une angoisse folle. »
Plus un avion ne décolle : nuit à l’aéroport
Une fois à l’aéroport, un vol retour était normalement prévu quelques heures plus tard, à une heure du matin jeudi. Mais il est finalement annulé. Là, la peur s’installe à nouveau car « plus aucun vol ne décolle ni n’atterrit. Ni KLM, ni Qatar Airways, ni Turkish Airlines, ni Air France ne viennent sur le territoire. Puis il y a des rumeurs comme quoi des émeutiers s’approchaient de l’aéroport. »
Sur place, ils sont 14 Belges, issus de deux familles. Il y a Laurence, son mari et ses deux enfants. L’autre famille voyageait, elle, avec parents et petits-enfants. Avec eux, 75 Français. Tous se serrent les coudes et font des réunions toutes les deux-trois heures avec leur ambassade. Mot d’ordre des ambassades belge et française : ne pas quitter l’aéroport. Du côté du ministère des affaires étrangères belge, on répond que vu la situation politique sur place, on n’ose pas envoyer d’avions.
Tous les voyageurs passent donc la nuit de mercredi à jeudi à l’aéroport, à dormir à même le sol, sans aucune aide si ce n’est celle des travailleurs de l’aéroport. « Les Tanzaniens ont bien pris soin de nous. La plupart, en tout cas, ont été bienveillants avec nous à l’aéroport. Je les plains, eux doivent vivre avec cette dictatrice désormais au pouvoir », nous confie Laurence.
Ils parviennent à quitter le pays par jet privé
Aidées d’un ami au Kenya, Laurence et sa famille finissent jeudi par payer un jet privé à 5000€ pour partir de là et se mettre en sécurité à Nairobi. Ils sont finalement arrivés ce vendredi matin à Amsterdam.
Pour l’autre famille belge sur place, leur agence de voyages a trouvé une solution via Ethiopian Airlines. Leur vol aura lieu ce vendredi à 19h10. Un avion devrait venir les chercher en Tanzanie et les conduire en Éthiopie avant de reprendre un vol pour Bruxelles.
Les voyageurs français, quant à eux, restaient toujours sans solution ni information sur un retour potentiel au moment d’écrire ces lignes. Des passagers américains, également sur place, ont quant à eux pu fuir rapidement en faisant affréter des avions privés à 9000$.
500 Belges actuellement en Tanzanie
Environ 500 Belges se trouvent actuellement en Tanzanie dont environ 270 voyageurs, selon les Affaires étrangères qui assurent suivre de près la situation sécuritaire en Tanzanie avec l’ambassade de Belgique à Dar es Salaam.
« La situation étant volatile, les voyages vers la Tanzanie sont actuellement déconseillés. Nous recommandons vivement aux Belges qui se trouvent sur place de bien suivre nos conseils au voyageur, de rester à l’abri chez eux et d’éviter les déplacements. »
Les ressortissants belges et leurs proches peuvent contacter le SPF Affaires étrangères au +32 2 501 40 00.
Répression meurtrière des manifestations
Environ 700 personnes ont été tuées lors des manifestations contre le pouvoir en Tanzanie, selon le principal parti d’opposition de ce pays d’Afrique de l’Est qui est toujours sous une chape de plomb, internet ayant été coupé par les autorités.
Le pays de 68 millions d’habitants a sombré dans la violence au jour des élections présidentielle et législatives qui se sont déroulées sans opposition, les deux principaux adversaires de la cheffe de l’État Samia Suluhu Hassan ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.
« Les forces de sécurité sont dans les hôpitaux. Elles essaient de contrôler le narratif » sur le nombre de victimes pour ne pas mettre en difficulté le gouvernement, a indiqué un chercheur d’Amnesty international, interrogé par l’AFP.
Le décompte des votes est toujours en cours, avec des mises à jour régulièrement annoncées sur la télévision nationale qui ne mentionne pas les troubles mais montre, sans surprise, un raz-de-marée du parti au pouvoir CCM. Sur l’île de Zanzibar, haut lieu touristique, le CCM a été déclaré vainqueur des élections locales jeudi soir. Mais le parti d’opposition ACT-Wazalendo, arrivé second, a rejeté les résultats, s’estimant « volé », et a exigé un nouveau scrutin. L’un de ses hauts responsables a déclaré à l’AFP que des urnes avaient été bourrées, que des personnes avaient été autorisées à voter plusieurs fois sans pièce d’identité et que les observateurs électoraux de l’ACT-Wazalendo avaient été expulsés des bureaux de dépouillement.
L’ACT-Wazalendo a été autorisé à participer aux élections à Zanzibar, mais son candidat à la présidentielle Luhaga Mpina a été disqualifié sur la partie continentale de la Tanzanie.
La formation Chadema a été exclue des élections et a appelé au boycott du scrutin. Son chef Tundu Lissu, arrêté en avril, est jugé pour trahison, une accusation passible de la peine capitale.


















