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Marie, de Heers, dans la province de Limbourg, a appuyé sur le bouton orange Alertez-nous après avoir été confrontée à une situation « bien belge ». Alors que sa fille de 4 ans crache du sang en pleine nuit, la réaction du 112 et de l’hôpital pose question.
Marie, 37 ans, se souviendra toujours de cette nuit cauchemardesque du 22 mai. Vers cinq heures, elle se réveille car sa fille Éline, 4 ans, crache du sang. C’est une éventualité pour laquelle elle était parée. Quelques jours plus tôt, la petite fille a été opérée des amygdales à la Citadelle, au site de Laveu, parfois aussi appelée Sainte-Rosalie. « Ils nous avaient prévenus qu’il y avait un danger, qu’elle pouvait saigner, et que c’est une urgence absolue ».
Forte de cet avertissement, elle appelle immédiatement le 112, explique la situation, mais son interlocuteur la coupe directement. « Il me dit qu’il ne parle pas français ». L’habitante de Heers, en province de Limbourg, est francophone, mais elle parle couramment néerlandais. « Dans la panique, je n’arrivais pas à parler néerlandais », avoue-t-elle.
Heureusement, son mari est hollandais. Marie lui passe le téléphone. Il reprend la conversation avec l’opérateur du 112 et parvient à expliquer la situation urgente et à faire dépêcher les secours au domicile du couple. « Si mon mari n’était pas là, je n’aurais jamais pu lui expliquer. »
Ils nous disent qu’on ne peut pas aller en Wallonie
Mais c’est loin d’être la fin des soucis pour la Heersoise. Lorsque l’ambulance arrive au domicile de Marie, ayant eu le temps de se calmer, elle communique en néerlandais avec les ambulanciers. « Ils nous demandent où on veut aller ». Question à laquelle Marie répond : « L’hôpital Sainte-Rosalie », là où Éline s’est fait opérer quelques jours plus tôt. Les ambulanciers refusent immédiatement : « Ils nous disent qu’on ne peut pas aller en Wallonie, alors qu’en termes de kilomètres, c’est pareil, ce n’est pas une question de distance ».
Le couple, réticent, accepte sans trop pinailler face à l’urgence de la situation. Marie accompagne sa fille dans l’ambulance. Arrivés à l’hôpital de Sint-Trudo, à Saint-Trond, en Flandre. C’est là, que la situation prend un tournant pour le pire. « Au tri, à l’arrivée des urgences, on me demande à quel hôpital Éline a été opérée », rapporte la Heersoise. Une réponse qui se heurte à un silence assourdissant des ambulanciers et de l’infirmière de Sint-Trudo. « Je sens qu’ils se regardent. Elle me dit finalement qu’il faut l’amener à l’hôpital où elle a été opérée. »
Selon les dires de Marie, les ambulanciers auraient répondu que ce n’était pas possible pour eux. « Ils sont partis », déplore-t-elle. Face à l’infirmière, Marie reste bouche bée : « J’ai juste regardé, je n’ai rien dit ». La trentenaire, choquée, ne parvient pas à réaliser ce qu’il se passe. « Je trouve ça insensé, je ne comprends pas. Je me retrouve dans une guerre que je ne comprends pas entre Flandre et Wallonie, alors que j’ai ma fille de 4 ans dans les bras avec du sang plein la bouche. Sérieusement ? »
« Je suis choquée, j’arrive en état de choc, mon enfant saigne, je n’ai pas toutes les frites dans le même sachet. Si elle saigne, stabilisez son état, là, tout de suite », nous dit-elle. « Éline a senti ma panique, elle ne voulait pas ouvrir la bouche, elle était scotchée à moi. Cracher du sang, que vous ayez 4 ans ou plus, vous ne comprenez pas ce que vous avez ».
Malgré tout, la fillette sera finalement prise en charge par les urgences de Sint-Trudo. « Ils ont fait en sorte que l’écoulement de sang s’arrête, puis dès qu’elle était stable, ils l’ont renvoyée chez nous en nous disant que si jamais il y avait un souci, de retourner là où ils l’ont opérée. »
L’histoire de Marie soulève plusieurs questions, notamment concernant les compétences linguistiques requises par les opérateurs du 112 et sur le choix de l’hôpital par l’ambulancier. Nous avons posé la question au SPF Santé publique. « Les personnes engagées comme opérateurs 112 sont recrutées comme agent fédéral par le SPF Intérieur dans un rôle linguistique, francophone ou néerlandophone », explique Vinciane Charlier, cheffe de service et porte-parole du service central de communication du SPF Santé Publique.
Le bilinguisme, voire trilinguisme, n’est donc pas obligatoire. « C’est un atout », avoue-t-elle. « Cependant, dans les centrales 112, il y a des procédures qui permettent à l’opérateur de transférer ou de mettre en conférence un appel avec un opérateur français ou néerlandais, selon le cas. » La porte-parole estime que, dans le cas de Marie, vu que son mari parle néerlandais, cela n’a sans doute pas été jugé nécessaire.
Concernant le choix de l’hôpital, là aussi, les règles sont claires : « Une ambulance se dirige toujours vers l’hôpital le plus proche, selon les circonstances du moment. Mais dans les zones autour des frontières linguistiques, des dérogations existent » « L’ambulance peut, sur conseil de l’opérateur 112 qui est dans la centrale, envoyer le patient dans un hôpital moins proche mais du même rôle linguistique que le patient »
« Cela n’a apparemment pas été estimé nécessaire ici ». Une autre exception existe aussi, celle de la compétence ou de la capacité d’accueil de l’hôpital. Il est donc possible que l’ambulancier choisisse un hôpital spécifique, plus lointain, mais compétent dans une certaine matière, ou ayant les capacités d’accueil adaptées. « Il peut se faire conseiller par le centraliste 112 », précise Vinciane Charlier.
Enfin, un hôpital ne peut pas refuser une prise en charge urgente. « Un service d’urgence hospitalier doit prendre en charge chaque urgence qui s’y présente. L’hôpital ne pouvait donc pas refuser cette patiente », conclut la porte-parole du SPF Santé Publique.



















