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De plus en plus nombreux, les Russes s'implantent à Chypre

A Chypre, "vous trouvez tout ce dont vous avez besoin", confie la Moscovite Svetlana Bogomilova qui sort d'une épicerie russe dans la ville côtière de Limassol, dans le sud de l'île méditerranéenne.

A l'instar de cette retraitée, des dizaines de milliers de ressortissants de l'ex-Union soviétique, dont une majorité de Russes, ont élu domicile dans ce petit pays de l'Union européenne réputé pour ses plages ensoleillées et aux liens historiques très forts avec Moscou.

Et si leur poids reste avant tout économique ou culturel, leur influence commence à atteindre le champ politique.

A "Limassolgrad", comme est souvent surnommée la cité portuaire, des affiches promeuvent des concerts de stars russes et des agences immobilières proposent en cyrillique des appartements de luxe.

Profitant d'avantages fiscaux, beaucoup de Russes, Ukrainiens etc... se sont installés depuis les années 1990, et leur nombre ne cesse d'augmenter. Il en est de même pour le contingent de touristes russes --des centaines de milliers par an--, le deuxième plus important après les Britanniques.

Après les journaux, les écoles et même une radio, la communauté russophone de l'île a désormais un parti politique.

- 'Mon pays', Chypre -

Lancé l'an dernier par deux hommes d'affaires, "Ego o Politis" ("Moi, le citoyen") ne présentera pas de candidat à la présidentielle de dimanche. Mais il espère bien être dans la course pour les élections au Parlement européen en 2019.

L'un de ses fondateurs, Alexei Voloboev, un ancien propriétaire de restaurant, assure n'avoir jamais rêvé de s'impliquer dans la politique de l'île lorsqu'il a obtenu la nationalité chypriote il y a dix ans.

C'est la montée d'un parti d'extrême droite aux législatives de 2016 qui l'a décidé, avance-t-il.

Lui et son vice-président Ivan Mikhnevich --un entrepreneur informatique biélorusse-- ne parlent ni l'un ni l'autre le grec, mais soutiennent que leur parti, qu'ils qualifient de "pro-européen", peut constituer une plate-forme pour les Chypriotes désireux de moderniser le pays.

"Si je voulais construire la Russie, je retournerais y vivre", se défend M. Voloboev au siège de son parti, dans la capitale Nicosie.

"Je ne veux absolument pas que ce soit comme la Russie ici. J'ai quitté ce pays, ce n'est plus le mien. Chypre, c'est mon pays", poursuit-il.

Il n'existe pas de chiffre officiel sur le nombre de citoyens de l'ex-Union soviétique ayant le droit de vote à Chypre, mais M. Voloboev les estime à quelque 35.000.

Un potentiel intéressant pour son parti --auprès duquel 1.000 personnes ont déjà demandé à adhérer selon lui--, sachant que le nombre d'électeurs chypriotes est de 550.000.

La naissance de ce parti intervient au moment où le Kremlin est soupçonné d'ingérence dans les démocraties occidentales --une "hystérie anti-russe", rétorquent MM. Voloboev et Mikhnevich.

- 'Colonisation par le capital' -

Liés par un héritage chrétien orthodoxe commun, Chypre et la Russie entretiennent depuis longtemps des liens politiques et économiques étroits.

Moscou s'est d'ailleurs érigé en défenseur de la République de Chypre à majorité grecque dans son antagonisme avec la Turquie depuis la division de l'île en 1974.

Et, en 2011, le Kremlin a octroyé à Nicosie une aide cruciale de 2,5 milliards d'euros alors que l'économie de l'île, membre de l'UE depuis 2004 et de la zone euro depuis 2008, était en nette perte de vitesse.

La communauté russophone a ses habitudes sur l'île depuis que des hommes d'affaires de l'ex-Union soviétique ont commencé à y placer leur argent au milieu des années 1990, profitant d'un système bancaire avantageux.

"C'est une sorte de colonisation par le capital", affirme Christophoros Christophorou, analyste politique chypriote, en référence aux incitations à investir --comme l'octroi de passeport ou de permis de résidence-- qui poussent les grosses fortunes russes à miser sur Chypre.

Malgré la grave crise financière en 2013, lors de laquelle des Russes ont perdu de grosses sommes d'argent dans des ponctions bancaires, la communauté russophone est restée sur l'île.

Au-delà de l'aspect économique, nombre de Russes disent avoir choisi Chypre pour l'accueil chaleureux de ses habitants: "Les Chypriotes aiment les Russes, et les Russes le sentent", déclare Natalia Kardach, la rédactrice en chef du journal russophone Vestnik Kipra (La Tribune de Chypre).

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