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Ce jeune étudiant témoigne pour la première fois de l’agression violente dont il a été victime lors de la descente de hooligans brugeois, le 4 mai à Molenbeek. Son récit met en lumière les graves conséquences de ces événements.
Jusqu’à présent, Mohamed Mehdi ne s’était pas exprimé dans les médias. Ce jeune homme de 22 ans, étudiant en psychologie à l’ULB, travaillait dimanche 4 mai chez Carreaux Céram, rue Vanderstichelen, à Molenbeek, quand un déchaînement de violence s’est abattu sur lui. Ce jour-là, comme nous vous l’avions rapporté, Molenbeek était le théâtre d’une attaque de hooligans brugeois, en marge de la finale de la Coupe de Belgique. Mohamed Mehdi a cru pouvoir trouver refuge chez Brico Ben, le magasin voisin qu’il connaît bien. Mais ce commerce a justement été pris pour cible par les hooligans. "Je vous contacte seulement aujourd’hui, car je n’étais pas prêt à la faire avant", confie-t-il via le bouton orange Alertez-Nous.
Je pensais que j’allais mourir
Le 4 mai aux alentours de 15 h, un groupe d’individus, cagoulés, vêtus de noir et armés de matraques, a investi le quartier. De loin, Mohamed Mehdi raconte avoir d’abord cru à une manifestation, avant de réaliser la violence du groupe. "J’ai vu qu’ils étaient agressifs, du coup, j’ai sorti mon téléphone pour appeler la police. Mais j’étais tellement tétanisé que j’ai oublié le numéro", confie-t-il.
Mohamed Mehdi quitte Carreaux Céram pour se rendre chez Brico Ben. Alors qu’il se trouve devant le garage en compagnie du fils du patron de Brico Ben, le groupe de hooligans se précipite vers eux. "Je n’ai même pas eu le temps de comprendre que j’ai ramassé un coup sur la tête par-derrière. Quelque chose en métal. J’ai perdu connaissance directement. Mais à peine ai-je touché le sol que j’ai repris connaissance. C’est mon instinct de survie qui a parlé."
Tentant de se relever pour se mettre à l’abri dans la boutique, il subit alors une pluie de coups de pied au visage et sur le corps. "Je voyais flou, je me suis couché par terre. J’ai encore reperdu connaissance. J’ai vu des bonbonnes de gaz qui volaient, des morceaux de marbre, des canettes, des objets en métal. Je pensais que j’allais mourir."
Un parcours médical éprouvant
L’ambulance, arrivée près d’une heure après les faits, transporte Mohamed Mehdi à la clinique Saint-Anne. Il passe finalement la nuit aux urgences de l’UZ Brussel et multiplie les allers-retours à l’hôpital pendant plusieurs jours. "J’avais le côté droit du visage très gonflé, rouge et bleu par endroits. Mais c’est surtout derrière la tête, en bas du crâne que j’ai été frappé."
Les examens révèlent une commotion cérébrale et une perforation du tympan droit. "On m’a dit qu’il fallait plus de 6 à 7 mois pour qu’on espère que le tympan commence à se fermer. Mais ce n’est même pas sûr que ça se refermera tout seul", explique-t-il.
Des séquelles physiques et psychologiques
Aujourd’hui, Mohamed Mehdi souffre d’importantes séquelles. Il n’entend pas de l’oreille droite et ressent des vertiges et des troubles de l’équilibre. "Ce problème à l’oreille me handicape un peu. Je n’arrive pas à marcher", raconte-t-il.
Il évoque aussi des pertes de mémoire, particulièrement problématiques. "En période d’examens, ce n’est vraiment pas le moment", souligne-t-il.
Le traumatisme psychologique est aussi important. Mohamed Mehdi ne souhaite pas retourner sur les lieux de l’agression et limite désormais ses sorties à ses rendez-vous médicaux. Son sommeil est perturbé par l’anxiété et les cauchemars.
Ce n’était pas une agression simple, c’était une tentative de meurtre
Le patron du Brico Ben, âgé de 73 ans, et son fils, ont également subi une pluie de coups. Avec eux, Mohamed Mehdi a déposé plainte. Il insiste sur la gravité des faits : "Ce n’était pas une agression simple. C’était une tentative de meurtre. Ils voulaient nous tuer. Si j’étais resté par terre avec toute la foule qui est arrivée, je serais peut-être mort. Heureusement que j’ai eu le réflexe de me relever et de vite rentrer".
Mohamed Mehdi, encore sous le choc, peine à qualifier le comportement de ses agresseurs : "Il n’y a pas de mots. Ils ont été sans cœur." Il relève la gratuité de l’agression et son caractère raciste : "Je ne comprends pas leur but (...) On est des jeunes qui travaillent et une personne âgée qui continue à travailler. Malgré ça, on ramasse des coups, sans provocation de notre part."
La police de Bruxelles a procédé à l’interpellation de 63 personnes à la suite des violences qui ont éclaté le 4 mai, en marge de la finale de la Coupe de Belgique de football. 80 personnes ont été prises en charge par les services de secours, dont neuf ayant dû être hospitalisées. Parmi les blessés figurent également plusieurs policiers. Une équipe judiciaire spécialisée a été constituée pour analyser les enregistrements vidéo et permettre l’identification des auteurs des violences et des dégradations. Interrogé, le parquet de Bruxelles ne souhaite pas faire de commentaire à ce stade au sujet de l’enquête en cours, dans l’intérêt de celle-ci.



















