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À Hensies, petite commune frontalière avec la France, Jérôme pensait avoir trouvé la recette du bonheur en ouvrant sa friterie en 2023, juste devant sa maison. Mais ce qui devait être l’aboutissement d’un rêve se transforme rapidement en cauchemar administratif et judiciaire. La raison ? Sa voisine, qui affirme ne plus supporter l’odeur des frites, ni les désagréments liés à l’affluence de clients.
« Je suis intimement persuadé de ne pas déranger », affirme le frituriste. « Je suis à plus de 30 mètres de sa propriété », insiste-t-il. « Si j’étais juste collé à elle, je pourrais comprendre. Mais là, ce n’est pas justifiable. »
Un conflit qui dure depuis deux ans
Depuis l’ouverture du fritkot, la voisine a lancé plusieurs recours administratifs, allant jusqu’au Conseil d’État. Un premier en 2023 avait déjà contraint Jérôme à suspendre son activité. Un nouveau recours a entraîné une nouvelle fermeture en juillet 2025. « C’est très frustrant », confie Jérôme. En parallèle, une plainte anonyme a aussi été adressée à l’AFSCA, qui, après contrôle, n’a relevé aucune infraction.
Les tensions sont telles que les deux voisins ne se parlent plus. « Elle n’est jamais venue me parler, elle a directement envoyé son avocat. Il n’y a aucune discussion possible », explique Jérôme. « C’est agressif, ce sont des insultes, des injures. »
Une nuisance limitée, selon les autres riverains
Pour vérifier la portée des nuisances, plusieurs autres voisins ont été interrogés. Aucun ne s’est plaint des odeurs. Un constat qui va à l’encontre des accusations de la plaignante. Pourtant, cette dernière, via son avocat, affirme que la situation est invivable. « Les odeurs de frites sont très fréquentes et elle ne peut plus mettre de linge à sa fenêtre », détaille Me Alessandro Marinelli. De plus, l’avocat de la voisine estime que les quatre places de parking prévues sont largement insuffisantes, alors qu’il observe régulièrement plus d’une dizaine de véhicules garés sur la voie publique, parfois devant le portail de sa cliente, ce qui représenterait un danger.
Le souhait de la voisine ? Que la friterie soit déplacée à l’arrière du terrain, loin de la rue. Mais pour Jérôme, ce serait une erreur stratégique : « Si je m’installe à l’arrière, je ne serai plus visible depuis la rue. Ce serait un suicide commercial », estime-t-il. D’autant que selon lui, cette zone est en réalité encore plus proche des fenêtres de sa voisine.
Une solution à 6.000 euros ?
Pour tenter d’apaiser les tensions, une solution technique a été évoquée : l’installation d’un système de filtration des odeurs. Franck Capron, spécialiste en équipements horeca, propose un appareil capable d’éliminer jusqu’à 98 % des odeurs. Coût : environ 6.000 euros. « Si j’avais la garantie qu’on installe ça, j’aurais la paix. Mais quelle garantie j’ai qu’après je puisse travailler ? », s’interroge Jérôme, déjà lourdement impacté financièrement par les fermetures successives.
Quant au problème de stationnement, le frituriste reconnaît ses limites : « Je n’ai pas beaucoup de pouvoir sur les clients qui se garent mal. »
Une procédure toujours en cours
À la commune de Hensies, un nouveau permis a été accordé. Le bourgmestre confirme : « S’il a le feu vert, il peut rouvrir instantanément. » Mais attention, rien n’est gagné. « Il faut que le dossier soit suffisamment bien construit pour qu’il ne puisse plus être cassé par le Conseil d’État. »
Car la voisine ne lâchera pas l’affaire. « Ma cliente n’a pas fait tous ces efforts pour qu’un nouveau permis soit délivré. Si c’est le cas, elle introduira un nouveau recours », annonce son avocat. Une nouvelle procédure est d’ailleurs déjà en cours, cette fois devant le juge de paix, pour « troubles de voisinage ».
Sur le plan juridique, les odeurs ne sont pas explicitement encadrées par la loi. « Il faut évaluer si les troubles excèdent ce qu’on peut raisonnablement attendre dans un environnement donné », explique Me Steve Griess. « Et dans cette affaire, les recours de la voisine ont été jugés recevables. Elle exerce des droits qui lui sont reconnus. »
Jérôme a finalement reçu un nouveau permis d’urbanisme. Il espère désormais pouvoir relancer son activité au plus vite. Mais il le sait : tant que le conflit avec sa voisine n’est pas apaisé, l’odeur de la discorde pourrait bien continuer à flotter dans l’air de Hensies.
La guerre des voisins est à retrouver en streaming sur RTL play et chaque mercredi à 19h50 sur RTL tvi.
















