Partager:
Le 14 février 2014, Ralf Bouffioux, alors âgé de 26 ans, disparaît du jour au lendemain. Originaire de Gesves, en province de Namur, le jeune homme quitte son domicile en secret, laissant derrière lui une lettre d’adieu et le mot « pardon » inscrit en grand sur le mur de sa chambre.
« Je me rappelle être assis devant mon ordinateur les heures avant de partir, tout était prêt. J’avais écrit pardon en grand sur le mur de ma chambre. Ma lettre d’adieu était prête. Et puis j’ai tout éteint. Je suis descendu en pyjama dans la rue, je suis monté dans ma voiture. Je n’ai pas allumé les phares pour ne pas éveiller l’attention. J’ai traversé mon quartier et je suis allé récupérer mes affaires. J’avais également prévu un jerrican d’essence pour incendier mon véhicule (…) tout était déjà prêt pour le grand jour », confie-t-il.
Il roule jusqu’à Nothomb, près de la frontière luxembourgeoise. Là, il embourbe volontairement sa voiture dans un chemin forestier et y met le feu. « J’ai attrapé mon vélo, mes sacs et j’ai commencé à courir ».
Une fugue volontaire, planifiée dans les moindres détails
Ce n’est pas un coup de tête. Ralf prépare sa disparition depuis longtemps. À l’adolescence, il traverse une « grande crise personnelle », c’est un échec amoureux, une relation impossible, qui précipite sa décision : « C’était une impasse sentimentale. J’étais amoureux de quelqu’un avec qui rien n’aurait été possible et mon erreur a été de m’accrocher à cette relation qui est devenue toxique. » Ce blocage amoureux a débordé sur tout le reste : « Ça a déteint sur ma vie, mes études, ma vie professionnelle. »
Avant de partir, il enterre un journal intime, « le reflet de toutes ses années de déprime ». Puis il s’éclipse dans la nuit froide de février, traversant le pays à vélo. Sa famille alerte la police, des battues sont organisées. Mais lui, déjà loin, commence une errance qui durera quinze mois.
Plus de 13.000 kilomètres à travers l’Europe
Après l’incendie de sa voiture, le jeune homme entame un tour d’Europe à vélo. Il passe par l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, la France, l’Espagne, le Portugal. Il avance sans but fixe, au gré de l’accueil des habitants. « Je cherchais l’hospitalité tous les soirs. Des gens chez qui dormir et qui pouvaient me nourrir. Et puis la journée, je prenais mon vélo, en allant de ville en ville. »
Pendant ce périple, il change plusieurs fois d’identité. « Tant que je ne rencontrais personne, je gardais toujours mon nom. À partir de l’Allemagne, j’ai commencé à m’appeler Anthony. Je deviens Valentino pour la suite de la botte italienne. Et c’est en passant la frontière au niveau de Menton que là, je change et que je m’appelle Clément, un nom que je garderai jusqu’à la fin du récit. »
Durant ce périple, il mesure la gravité de son acte : « Je savais que les gens s’inquiétaient. Même si je ne suis pas croyant, je priais pour qu’ils tiennent le coup. »
Le retour, en plein jour de la fête des Mères
Le 10 mai 2015, jour de la fête des Mères, Ralf réapparaît chez lui. « C’était très hollywoodien. Je voulais ressurgir au bout du jardin, au coucher du soleil. » Les retrouvailles sont chargées d’émotion : « Je fonds en larmes et puis je m’excuse. Et puis c’est un moment de joie finalement, où tout ce qui avait derrière est oublié en l’espace de quelques secondes. Ils ne m’en ont jamais voulu. »
Aujourd’hui, Ralf assume totalement ce passage de sa vie. « Ça a été un grand soulagement de redevenir la personne que j’étais. Une fois rentré, je suis beaucoup plus fort psychologiquement. Ce tour d’Europe m’a permis de comprendre que j’avais une force en moi, que j’avais l’envie de vivre, d’abord. Le plus important : que j’avais l’envie de me battre, d’avancer. »
Il a publié un livre, Journal d’un disparu, pour raconter son histoire et ne rien cacher. Avec le recul, il pose un regard lucide : « Je ne pourrais pas refaire ça. C’était une erreur de jeunesse. Malgré tout, je ne regrette pas. Je ne serais pas là aujourd’hui si je n’étais pas passé par là. »
Le reportage « Disparus sans laisser d’adresse » est à retrouver en streaming sur RTL play.


















