Accueil Actu Belgique Justice

Une crise profonde met la justice des mineurs à genoux: "C'est comme vider l'océan avec une petite cuillère"

Le manque de moyens touche tous les niveaux de la justice. Un des exemples les plus interpellants est celui de la jeunesse : quasiment chaque jour, des délinquants mineurs sont libérés faute d'encadrement.

Ils sont magistrats, juges de la jeunesse, avocats ou policiers... Tous, à leur niveau, sont confrontés concrètement au manque de moyens humains ou matériels de la justice.

"Potentiellement, ici, j'ai une petite bombe, comme un dossier d'un bébé qui est maltraité". Caroline Van Nieuwlandt est la cheffe adjointe de la section jeunesse du parquet de Bruxelles. Elle nous montre les piles de dossiers qu'elle doit traiter. Et certains sont extrêmement urgents. "Vous n'êtes pas dans votre cabinet un jour, et bien il y a ça qui vous attend. Vous n'êtes pas là trois jours, et bien, c'est ça qui vous attend. Plus, deux audiences par semaine à préparer."

"Et donc il faut se rendre compte qu'on fait ce qu'on peut. On travaille, on n'arrête pas, comme des petites souris qui courent dans une cage. Mais c'est comme vider l'océan avec une petite cuillère. Et donc on a le sentiment effectivement qu'on n'a pas les moyens."

Des mineurs délinquants libérés, faute de place

Elle constate également que tous les jours, des mineurs délinquants sont libérés faute de place dans les structures adéquates. "Il y a 2-3 semaines, les faits que j'avais, c'était plusieurs kilos de cocaïne, des centaines de grammes de cannabis, des pilules d'ecstasy. Donc un jeune, qui a 16 ans. Et là le juge m'annonce qu'il n'y a pas de place en IPPJ. Inadmissible. Il me dit, 'je dois le libérer, sauf si, tu peux me le garder jusqu'à demain. Demain, je pourrais négocier, peut-être, une place'".

Michele Meganck est juge de la jeunesse. Elle vient de prolonger, sous nos yeux, le placement d'un adolescent en IPPJ. Pourtant, elle voulait qu'il retourne en famille avec un accompagnement intensif d'une équipe mobile... mais il y a déjà 40 jeunes sur la liste d'attente. Elle explique que ce type de situation, faute de moyens, met à mal le rôle de la justice.

Un enfant a droit à une vraie bonne solution et pas à du bricolage

"On est inquiets de ça parce qu'on est plein d'enthousiasme. On tient bon, on travaille des dizaines d'heures à essayer de mettre des solutions en place avec des partenaires. On devient de très bons bricoleurs. Mais le bricolage ne fait pas tout. Un enfant a droit à une vraie bonne solution et pas à du bricolage", insiste-t-elle.

Les policiers en première ligne

En première ligne, il y a les policiers. Des agents, qui ont parfois du mal à faire passer le message de la justice, comme l'explique Karine Minnen, directrice judiciaire à la recherche locale de la zone de police de Bruxelles-Capitale/Ixelles : "Peut-être qu'il y a une certaine frustration qui s'installe, pas par rapport aux décisions qui sont prises, mais par rapport à des situations où on voit qu'il y a des jeunes, des enfants, qui ont des besoins particuliers et que finalement, alors qu'il y a énormément de gens de bonne volonté autour, personne n'a les moyens. On se sent relativement impuissant par rapport à cette situation."

Un état des lieux qui touche l'ensemble de la justice et ses conséquences concernent tous les citoyens. Denis Goeman, juge au tribunal correctionnel de Bruxelles le confirme : "À partir du moment où le procureur de Roi dit qu'il n'a pas assez de moyens au niveau des policiers pour faire des enquêtes, que le personnel judiciaire n'est pas assez nombreux pour traiter les dossiers et juger, vous allez avoir une société qui va vivre de plus en plus dans l'insécurité, puisqu'on n'a pas les moyens pour assurer les poursuites. Quand on vit dans l'insécurité et qu'on n'a pas les moyens, le narcotrafic se développe".

L'État belge attaqué en justice

Concernant le secteur de la jeunesse, des avocats vont même attaquer l'État belge. "On va essayer de demander à un tribunal d'établir la responsabilité de l'État belge dans le fait que certains enfants n'ont pas pu grandir comme ils auraient dû ou ont été victimes de certaines négligences ou maltraitances supplémentaires à cause du fait qu'ils n'ont pas pu être pris en charge à temps et de façon adéquate", prévient Déborah Unger, avocate section jeunesse au barreau de Bruxelles.

Un manque d'encadrement qui entraîne également un taux important de récidive, notamment à l'âge adulte.

Contenus sponsorisés

À la une

Les plus lus

La surexposition des enfants aux écrans inquiète : que peuvent faire les parents ? Voici quelques conseils

Le Conseil supérieur de la santé met en garde : dans son dernier rapport, il énumère les risques réels liés à une surexposition, des enfants et des jeunes, aux écrans. Au-delà du constat, le Conseil aborde aussi les solutions. Comment protéger les plus jeunes ? Pour la plupart des experts, il ne faut pas forcément interdire totalement les écrans, mais il est important de bien en limiter l’accès.