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"C'est d'une stupidité sans nom", lâche Thomas Dermine: la SNCB choisit une société espagnole plutôt qu'Alstom pour le "contrat du siècle"

Le constructeur de trains espagnol CAF a remporté un appel d'offres lancé par la SNCB, prévoyant le remplacement de plusieurs centaines de rames automotrices AM30 dans la prochaine décennie. Cependant, le contrat n'a pas encore été formellement attribué, souligne Jean-Luc Crucke. 

Le ministre fédéral de la Mobilité, Jean-Luc Crucke, a rappelé mercredi les règles européennes applicables en matière de marché public dans le dossier de l'acquisition d'automotrices par la SNCB. Il a toutefois fait remarquer que la procédure n'était pas encore bouclée et que des recours étaient possibles.

La société de chemins de fer est en passe d'attribuer ce "marché du siècle" à l'entreprise espagnole CAF alors qu'Alstom Benelux, qui dispose de sites de production à Charleroi et à Bruges, était également candidate. Cette éventualité suscite de vives critiques, notamment de la part du patron du constructeur installé en Belgique, mais aussi dans le monde politique.  

Pour le bourgmestre de Charleroi, Thomas Dermine, cette décision est incompréhensible. "C'est d'une stupidité sans nom. C'est-à-dire qu'on a le marché du siècle pour des renouvellements de locaux pendant douze ans, 3 milliards et demi, on parle de 0,7 % du PIB belge. On a une entreprise soumissionnaire qui est la moins chère et qui propose de faire du 'made in Belgium' à partir de ses deux sites, à Charleroi et à Bruges. Et on parvient à sélectionner une société étrangère", explique-t-il.

Il trouve notamment incohérent le fait que nous ayons un gouvernement qui explique que "la clé, c'est la création d'emplois", mais qui, face à un marché aussi important, "ne favorise pas les entreprises belges".

Réponse de la SNCB

De son côté, la SNCB estime avoir simplement respecté les règles européennes relatives au marché public. "Ce n'est tout simplement pas permis par la législation européenne", explique Vincent Bayer, porte-parole de la SNCB. "Donc la SNCB ne peut pas avantager un soumissionnaire qui garantirait, par exemple, certaines productions locales. Ça provoquerait le risque de discrimination par rapport à d'autres soumissionnaires, dans d'autres États membres. Donc ce n'est simplement pas permis."

Jean-Luc Crucke, le ministre fédéral de la Mobilité, rappelle que toute entreprise peut introduire un recours en justice contre la décision de la SNCB. Il souhaite aussi un débat au niveau européen sur les règles des marchés publics, afin d'intégrer des critères tenant compte des retombées locales.

Quel impact pour Alstom ?

La perte de ce contrat n’annonce rien de bon pour la société Alstom, comme le précise Thomas Dermine. "À Charleroi, Alstom a 1 500 employés, essentiellement dans les métiers de l’ingénierie. Donc, il y a des équipes qui auraient pu travailler sur ce marché". Cependant, l'impact le plus fort se fera ressentir sur le site d'Alstom à Bruges, car c'est un site dédié à l'assemblage.

Thomas Dermine rappelle également la main-d'œuvre qu’implique un projet comme celui-là. "Un contrat comme celui-là représente des centaines d'emplois pendant plus d'une dizaine d'années. Et donc oui, quand on veut augmenter le taux d'emploi, singulièrement dans l'industrie, se passer de contrats comme ceux-ci est d'une stupidité sans nom".

Quid pour la suite ? Des recours sont-ils possibles ? "Je pense effectivement qu'il y a des possibilités de recours et j'imagine que le candidat industriel qui n'a pas été sélectionné, à savoir Alstom, y fera appel. Je pense que, de façon plus large, il y a une vraie réflexion que le gouvernement doit mener sur l'utilisation de clauses de retour social, de retour industriel, et de contraintes environnementales qui permettraient, dans le cadre des marchés publics européens, d'apporter de facto une préférence pour des employeurs ayant un retour important sur la société", ajoute le bourgmestre de Charleroi.

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