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Envoyer un mail, scroller sur les réseaux, regarder une vidéo: ces actions exigent la construction de datacenters très énergivores en Belgique

Avec l'explosion de la consommation numérique, le rôle des datacenters devient crucial. Néanmoins, ces infrastructures suscitent aussi des débats sur leur impact énergétique et environnemental.

Le numérique est omniprésent dans nos vies : mails, jeux en ligne, streaming, stockage de fichiers et bien plus encore. Pourtant, derrière cet univers immatériel se cache une infrastructure bien tangible : les datacenters. Ces gigantesques centres de traitement et de stockage de données se multiplient partout dans le monde pour répondre à une demande en pleine explosion. Mais en Belgique, leur prolifération suscite des interrogations profondes quant à leur impact énergétique et environnemental.

50 000 mètres carrés de datacenter près de Bruxelles

Non loin de Bruxelles, un datacenter d'une ampleur considérable voit le jour. Étendu sur une superficie de 50 000 mètres carrés, ce complexe futuriste affiche une capacité électrique impressionnante de 32 mégawatts, soit l'équivalent de la consommation annuelle de 60 000 foyers. Bien que le bâtiment ne soit encore qu'une série de salles vides à ce stade, il est déjà presque entièrement réservé, preuve de l'attrait grandissant pour ces infrastructures. 

Avec un investissement colossal de 300 millions d'euros, ce datacenter a été conçu pour héberger des centaines de serveurs. Ces derniers deviendront le socle numérique d'une large gamme d'activités : vidéos en streaming, transactions bancaires, services télécom ou encore traitement de dossiers juridiques. "Nous avons des clients qui font du streaming, des banques, des opérateurs télécom ou encore des bureaux d'avocats", précise Nick Velle, project manager chez Kevlinx. La diversité des usages illustre la dépendance croissante de nombreux secteurs économiques aux performances de ces infrastructures. Cela va des fameuses plateformes de streaming qui divertissent des millions d'utilisateurs à des services critiques, comme les transactions bancaires.

Il pourrait ne plus y avoir de place

Cependant, cette montée en puissance des datacenters s'accompagne de nombreux défis, dont celui de leur empreinte énergétique. En Belgique, leur consommation électrique a considérablement augmenté et pourrait doubler d'ici 2025, passant de 85 mégawatts en 2022 à 162 mégawatts. La question est problématique : lors de l'installation de telles infrastructures dans une zone spécifique, le réseau local peut être rapidement saturé, entravant notamment la mise en œuvre d'autres projets économiques. "Lorsque ce type d'infrastructure vient s'implanter dans une zone, localement, ça laisse peu de place à d'autres nouveaux projets, avertit Jean Fassiaux, porte-parole d'Elia. Et s'il y avait déjà d'autres demandes de raccordement dans cette zone spécifique, et bien on pourrait même avoir une situation où on a plus de place". Une planification proactive est donc essentielle pour éviter des blocages.

Sur le continent européen, certains pays, comme les Pays-Bas, ont déjà pris des mesures restrictives pour réguler le développement des datacenters. La Belgique, propulsée par sa position géographique stratégique reliant les grands hubs économiques que sont Francfort, Londres, Amsterdam, Paris et Dublin, attire également les investisseurs. Cependant, cette localisation favorable devient une épée à double tranchant. Les experts tirent la sonnette d'alarme concernant la nécessité d'anticiper et de gérer les enjeux énergétiques de manière proactive : "Pour éviter d'arriver à un point critique comme à Amsterdam, il faut être proactif", insiste Carole Santens, directrice générale de l’association belge des infrastructures numériques. Il est néanmoins possible que l'on arrive à une situation similaire et que l'on doive stopper l'installation de datacenters. "Nous verrons à ce moment-là", poursuit-elle. Les décideurs belges sont donc confrontés à la nécessité de mettre en place rapidement des mécanismes de régulation adaptés.

Un bilan environnemental très lourd

Parallèlement aux questions énergétiques, celles liées à l'environnement se font de plus en plus pressantes. Le secteur numérique serait déjà responsable de 2 à 4 % des émissions mondiales de CO2, et les datacenters en constituent une part significative. Ces infrastructures consomment non seulement une quantité énorme d'électricité pour alimenter les serveurs, mais ces derniers produisent également une quantité importante de chaleur. Pour garantir leur bon fonctionnement, un refroidissement constant est nécessaire, impliquant l'utilisation de systèmes énergivores 24 heures sur 24. Cela alourdit leur bilan environnemental et soulève des préoccupations à long terme.

L'essor rapide de technologies comme l'intelligence artificielle aggrave encore la situation. "Le fait qu'on n'arrive pas à déployer suffisamment de capacités de production d'énergie renouvelable pour alimenter les datacenters complique la donne", explique un expert. La question se pose alors : comment arbitrer entre les usages numériques prioritaires pour un équilibre écologique viable ? "Est-ce qu'on doit investir des émissions de gaz à effet de serre dans la construction et l'opération de datacenters ou dans d'autres secteurs de l'activité économique ?", ajoute-t-il. Ce débat met l'accent sur la nécessité d'une réflexion approfondie dans un contexte où les ressources naturelles se raréfient.

La neutralité carbone : une illusion ?

Les datacenters s'inscrivent également dans l'objectif global de neutralité carbone pour 2030, mais cet engagement semble entrer en contradiction avec l'augmentation constante de la consommation numérique. À mesure que l'intelligence artificielle, les services cloud et les solutions d'analyse de données continuent de se développer, il devient impératif de repenser les politiques énergétiques et environnementales. Les responsables politiques devront peut-être envisager des mesures réglementaires pour encadrer cette croissance exponentielle tout en conciliant innovation technologique et respect de l'environnement. Sans cela, les ambitions climatiques risquent de rester hors d'atteinte.

Enfin, la responsabilité des citoyens dans ce défi collectif ne doit pas être négligée. Chaque interaction numérique, qu'il s'agisse de l'envoi d'un simple e-mail ou de l'utilisation d'outils gourmands en énergie comme les intelligences artificielles, contribue à cet impact grandissant. "Plus on utilisera ces systèmes, plus on en aura besoin, met en garde Denys Bornauw, expert digital pour Agoria Wallonie. Si on prend une calculatrice pour faire un simple calcul, la consommation est quasiment nulle. Si on utilise une intelligence artificielle telle que chat GPT, la consommation est alors exponentielle", dit-il encore. Par exemple, utiliser un outil d'IA pour résoudre une tâche basique, comme un calcul simple, engendre une dépense énergétique bien plus élevée qu'une simple calculatrice. Nos choix individuels, même modestes, peuvent donc jouer un rôle crucial pour minimiser les enjeux énergétiques, sociaux et environnementaux liés aux datacenters.

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