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Près de 4 000 procès-verbaux ont été dressés depuis 2019 pour des infractions à la loi football. Face aux violences persistantes dans les stades, le gouvernement veut sévir. Mais est-ce réellement la solution ?
Bagarres, jets de projectiles, envahissements de terrain, affrontements avec les forces de l’ordre... Les incidents se multiplient autour des stades belges. La récente finale de la Coupe de Belgique n’a pas fait exception, relançant le débat sur l’efficacité de la "loi football", instaurée en 1998 et déjà modifiée à plusieurs reprises. "Maintenant, on a des armes pour attaquer le hooliganisme", affirmait jadis Jan Peeters, ancien secrétaire général de l’Union belge. Pourtant, ces "armes" semblent de moins en moins dissuasives.
Des mesures inefficaces
Il y a deux ans, Annelies Verlinden, alors ministre de l’Intérieur, assurait qu’il était possible de "rendre le foot plus sûr". Elle prévoyait de durcir à nouveau la "loi football", comme cela a souvent été fait dans l’urgence, à la suite d'incidents. Mais cette stratégie est-elle efficace ?
Ça arrive que des interdits de stade puissent quand même rentrer
"Je pense qu’il faudrait d’abord revoir les moyens de l’appliquer avant de la durcir", prévient le commissaire Philippe Boucar, fort de 43 ans de service et responsable de la sécurité de plus de 1 500 matchs. Selon lui, l’application actuelle de la loi laisse à désirer : "Ça arrive que des interdits de stade puissent quand même rentrer".
Des contrôles superficiels
Un constat partagé par des stewards à Charleroi, en première ligne à chaque rencontre. "Bien sûr qu’ils arrivent à rentrer, c’est facile", reconnaît Tony Mongelluzzo. "Il suffit de changer légèrement de physionomie ou d’emprunter un abonnement".
Quant aux fouilles, elles sont limitées. "Nous ne fouillons pas à l’intérieur du fessier", précise Patrick Nenin, steward depuis 1984. Les objets dissimulés dans les vêtements intimes passent souvent entre les mailles du filet. Pire : "la moitié des fumigènes sont placés bien avant le match", explique Mongelluzzo.
Un exemple frappant : lors de la finale de la Coupe, des supporters ont dissimulé des fumigènes dans de faux tuyaux de plomberie installés dans les toilettes du stade.
"Ça motive les joueurs"
Les engins pyrotechniques, pourtant interdits, restent omniprésents. Pour certains supporters, ils sont même un élément fondamental de l’ambiance dans les stades. Laurent est un supporter ultra, membre de la Mauves Army. S’il accepte de nous parler, c’est pour défendre ces engins.
Ça change l'atmosphère
"Ça motive les joueurs et ça change l’atmosphère", défend-il. Il ajoute : "Si on continue à les interdire complètement, les gens les utilisent en cachette, ce qui les rend encore plus dangereux. On voudrait une utilisation organisée, avec des personnes responsables".
En 2023, 299 amendes ont été dressées pour détention de tels objets, un chiffre bien en deçà de la réalité du phénomène.
Une réponse collective nécessaire
Pour Mehdi Bayat, administrateur délégué du Sporting de Charleroi, il faut mettre fin à "une certaine forme d’impunité": "Les clubs sont prêts à assumer leur responsabilité, mais encore faut-il qu’ils en aient les moyens".
Plusieurs pistes sont évoquées : recours à la reconnaissance faciale, obligation pour les interdits de stade de pointer au commissariat les jours de match, élargissement des prérogatives des stewards…
Une table ronde est prévue en septembre pour redéfinir une stratégie plus efficace. Mais la question reste posée : faut-il vraiment durcir la loi, ou enfin lui donner les moyens d’être appliquée correctement ?


















