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GTI-Net, fondé par deux Belges, nouveau système pyramidal mondial déguisé en marketing de réseau? "Je n'ai rien à cacher"

Un logiciel développé par deux Belges au parcours atypique, serait capable d'effectuer des transactions boursières automatiquement, ce qui générerait de l'argent et donnerait à ceux qui investissent "un revenu de base de 910€". Des dossiers sont ouverts au niveau des autorités financières et judiciaires de notre pays. Malgré tout, face à nos questions, l'un des fondateurs maintient qu'il n'a "rien à cacher".

Les arnaques dites "pyramidales", vous connaissez. Que ce soit avec GetEasy en 2015, Bonofa en 2016 ou Questra en 2017, nous avons déjà étudié plusieurs cas ayant fait des victimes en Belgique.

Des personnes peu scrupuleuses construisent une entreprise qui ressemble à un château de carte, avec un beau site web, des promesses de gains faciles et garantis, des vidéos, etc. Au centre, il y a un produit soi-disant révolutionnaire qu'il faut acheter.

Pour "rentrer" dans le système, il faut une mise de départ de quelques centaines d'euros, qui s'avère rapidement très peu rentable, car tout se joue au niveau des commissions. Il y a donc un concept de marketing de réseau (MLM, Multi Level Marketing), une pratique légale qui encourage les "vendeurs" à recruter des nouveaux membres, devenant eux-mêmes vendeurs et recrutant eux-mêmes de nouveaux membres, faisant chaque fois remonter les profits vers le sommet de la pyramide sous forme de commissions.

Vous l'avez compris, le seul argent qui rentre réellement dans le système et qui permet de rémunérer les membres, c'est celui des nouveaux membres qui doivent payer pour entrer dans la pyramide. Ceux qui sont rentrés tôt dans la pyramide reçoivent en effet de l'argent s'ils ont une belle pyramide de membres en-dessous d'eux. Les derniers, qui investissent avant que le pot-aux-roses ne soit mis à jour par la justice ou que tout disparaisse comme par magie, auront tout perdu.


Sur Facebook, des statistiques avancent que les membres sont de plus en plus nombreux

"Malgré mes mises en garde, mes amis se sont laissés appâter"

GTI-Net a de nombreuses ressemblances avec les systèmes pyramidaux que nous venons d'évoquer. C'est un témoin anonyme qui nous a prévenus via le bouton orange Alertez-nous. "Plusieurs de mes amis se sont laissés appâter par leur vision : 'Créer un revenu de base de minimum 910 € par mois. Réussite à 100% pour TOUS'. Je ne suis pas dupe, mais malgré mes mises en garde ils sont persuadés de la véracité de leurs interlocuteurs".

GTI-Net prétend vendre des logiciels sur base de l'achat d'une licence. Le logiciel miraculeux générerait automatiquement des gains en réalisant des opérations boursières (en misant sur le taux de change de devises) à votre place.

Après enquête, on s'est rendu compte que les deux personnes se présentant comme les fondateurs de GTI-Net sont belges.

Nous avons également des preuves que cette société présente les apparences d’une fraude de type pyramidal ou, à tout le moins, de type Ponzi

Mise en garde de la FSMA

Avant de détailler notre enquête, signalons que la FSMA, l'autorité belge des services et marchés financiers, a émis une "mise en garde" contre les activités de GTI-Net. La FSMA "déconseille fortement de donner suite aux offres de services financiers émanant de GTI-Net et d’effectuer tout versement sur un compte communiqué par cette société".

La FSMA a le statut d’organisme public autonome. Cela signifie qu’elle a été instituée par la loi et qu’elle exerce de manière indépendante les missions d’intérêt général qui lui ont été confiées par les autorités de notre pays. La FSMA exerce, aux côtés de la Banque Nationale de Belgique, le contrôle du secteur financier belge. N'importe quelle entreprise qui exerce une activité liée à la finance auprès de citoyens belges doit avoir un agrément de la FSMA, qui s'assure du respect et du suivi des règles.

"Nous avons des éléments concrets qui montrent que (GTI-Net) mènent des activités qui sont des services bancaires, ou des investissements", nous a confié l'organisme. Il a lui-même été alerté par "d'autres autorités de contrôle" et "des consommateurs".

Plus important: "Nous avons également des preuves que cette société présente les apparences d’une fraude de type pyramidal ou, à tout le moins, de type Ponzi". La FSMA donne des détails pertinents sur ce genre de fraude.

Enfin, d'après nos informations, le dossier de la FSMA a été transmis à la justice, mais le parquet avait déjà un dossier ouvert par rapport à GTI-Net.


On a parlé avec l'un des fondateurs, qui attaque la FSMA

Nous avons discuté par téléphone avec Jhony Depresseux. Il déclare avoir créé la société GTI-Net il y a quelques années avec un associé flamand nommé Sven Lefeber.

"Nous sommes une société internationale basée à Dubaï. Pourquoi ? Parce qu'en Belgique, on bloque tout, l'Europe est foutue au niveau du business", explique d'entrée l'homme qui "n'a rien à cacher" par rapport à l'objet de son entreprise.

"Nous vendons des softwares. Ce sont des robots de trading. On est deux à avoir développé ce logiciel. C'est huit ans de recherche et développement", poursuit Jhony Depresseux, qui n'a pourtant pas de formation liée de près ou de loin à l'informatique. "Je suis auto-formé, j'ai lu, j'ai regardé. J'ai un esprit différent pour attaquer les problèmes".

Les nouveaux membres de GTI-Net "achètent le droit d'utiliser le logiciel, qui ouvre et ferme des positions, des ordres" sur le marché des devises. Très concrètement, "on aide le nouveau membre à installer le logiciel sur le site d'un broker externe (une plateforme indépendante de GTI-Net, il en existe des milliers) du Forex (le marché des devises)".

Une licence "coûte 21.000€", mais quand la licence est acquise, "on touche 210€ par semaine, en plus des gains provenant de l'utilisation du logiciel" que peut tirer le membre de GTI-Net.

Par rapport au côté 'marketing de réseau' (la version légale du système pyramidal quand il y a des vrais produits vendus, typiquement comme c'est le cas des 'réunions Tupperware'), notre interlocuteur estime que c'est accessoire. "Si on parraine des acheteurs, oui, on a des revenus complémentaires, des pourcentages sur les ventes réalisées dans le réseau".

Quant à la mise en garde de la FSMA, c'est selon notre interlocuteur "une honte" destinée à "détruire notre société", leur dossier serait "basé sur des faux et usage de faux". GTI-Net a même l'ambition "de faire éclater le scandale FSMA".

Jhony Depresseux aurait également "déposé une plainte en justice". La FSMA nous a cependant indiqué n'avoir "aucune connaissance d'une plainte à leur encontre", mais a appris que certaines informations rapportaient même que GTI-Net avait gagné un procès contre eux. Ce qui est totalement faux, aucun procès n'a jamais eu lieu.

De nombreux indices

Difficile en l'état de prouver l'authenticité des produits mis en avant par GTI-Net, et donc de croire qu'il s'agit de marketing de réseau et non d'un système pyramidal. La justice, qui a plusieurs dossiers ouverts, va faire son travail.

Au regard des précédents cas traités, on peut dresser une liste non-exhaustive d'indices qui peuvent laisser supposer que GTI-Net est un château de cartes, une coquille vide qui va s'écrouler de manière inévitable, les derniers membres entrés dans la pyramide, forcément très nombreux, perdant alors toute leur mise de départ…

  1. Opacité du concept. GTI-Net parle d'un "revenu de base pour tout le monde". Il suffirait d'acheter une partie de licence d'un logiciel (500€ minimum) et le reste ferait automatiquement rentrer de l'argent, via des 'royalities' payées par des sites de trading en ligne. C'est ce que dit le site officiel de GTI-Net. Il est alors question d'un "revenu passif" pour lequel il ne faut rien faire. Or par téléphone, notre interlocuteur nous a parlé de l'installation du logiciel chez chaque membre pour qu'il puisse lui-même effectuer des transactions boursières… Les messages, explications et origines sont donc différents selon les interlocuteurs (voir ici et ), le produit principal varie d'une présentation à l'autre. Il est même parfois question de cryptomonnaie. Impossible de savoir réellement d'où vient l'argent, à part des nouveaux membres…
  2. Crédibilité. Le logiciel très perfectionné aurait été créé par deux Belges n'ayant pas de background de développeur. C'est pour le moins étonnant que cela puisse générer assez d'argent pour verser des commissions à tous les membres.
  3. Il y a des soi-disant experts qui, dans un langage alambiqué, soutiennent GTI-Net, à grands discours sur l'économie mondiale (carrément).
  4. Les membres, qui ont investi et ont donc besoin que le château de cartes tienne debout le plus longtemps possible, défendent bec et ongles le concept. En connaissance de cause (ou pas, d'ailleurs, selon le degré de crédulité de la personne), ils attaquent tous ceux qui dénoncent la supposée supercherie.
  5. Une fois qu'on est inscrit (nous l'avons fait sous un pseudonyme), il n'est pratiquement jamais question de l'utilisation du logiciel soi-disant miraculeux qui permettrait de gagner de l'argent automatiquement. Tout est centré sur la gestion et la construction de son réseau, de sa pyramide…
  6. Les explications et les inscriptions se font via des sessions organisées encore actuellement dans toute la Belgique, dans des petites salles de séminaire. D'autres pays, surtout en Afrique, sont ciblés par GTI-Net pour y développer le même genre de réseau.
  7. GTI-Net surfe sur les tendances du moment: software, cryptomonnaie et trading en ligne. Des notions que le grand public maîtrise peu, mais dont il a entendu beaucoup parler.
  8. Argument 'social': GTI-Net aurait mis une fondation sur pied, et on retrouve des photos qui montrent des Occidentaux dans un hôpital en République centrafricaine, lors d'une visite pour développer le système sur place. "On a sorti de l'argent de notre poche pour payer l'accouchement".
  9. De belles promesses, de grandes ambitions. Dans une vidéo, les fondateurs évoquent "un nouveau site", le lancement de "notre propre système de paiement", etc.
  10. Il y a eu moins un grand 'gala' payant (40€ pp) dans une belle salle (le casino de Spa l'an dernier). Son nom: "Show me the money". L'idée est de jeter de la poudre aux yeux en félicitant les meilleurs membres.
  11. Des membres sur Facebook qui jouent la carte du "développement personnel, prenez votre vie en main, etc". C'est assez typique des systèmes pyramidaux que de jouer sur les difficultés financières des gens. "Vous en avez assez d'avoir des problèmes de rentrées financières: rejoignez-nous pour obtenir un 'revenu de base' complémentaire". Cibles: les chômeurs, les pensionnés, les personnes en difficultés financières…
  12. La structure de la société est très floue. Les (faux?) noms de Jhony Depresseux et Sven Lefeber n'apparaissent pratiquement jamais. On a une seule preuve: le nom de domaine www.gti-net.com appartient effectivement à Monsieur Depresseux. La société, sans doute une boite aux lettres, est basée à Dubaï, et c'est en effet sur un compte de ce pays qu'on doit verser l'argent pour devenir membre. Avec de solides frais de transaction pour décourager les membres à retirer leur argent…

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