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« On sait les brouiller, mais… » : voici pourquoi l’armée ne neutralise pas systématiquement les incursions de drones

Par RTL info avec Corentin Simon et Xavier Gérard
Les pays européens sont en état d’alerte contre les drones. Plusieurs incursions de ces engins ont été enregistrées ces derniers jours, notamment en Belgique au-dessus d’un site militaire. Comment peut-on lutter contre ces drones ? Sait-on tous les détecter et connaitre leur origine ? Et a-t-on, surtout, les moyens de les neutraliser ? Les enjeux stratégiques, énormes, mobilisent depuis de mois nos services de sécurité.

Depuis le ciel, les prises de vues sont toujours saisissantes. Les drones permettent d’accéder et de voir des zones qu’on ne devinerait pas depuis le sol. Et c’est exactement ça le nœud du problème, surtout pour les sites sensibles, les aéroports, forcément, mais aussi les sites militaires, les centrales nucléaires ou les prisons. Pour démarrer cette enquête, nous faisons décoller notre drone dans le centre de Bruxelles.

Un simple avertissement de prudence mais l’engin peut s’envoler au-dessus du parc royal, du Palais et du Parlement fédéral sans aucune restriction. Ce vol de notre drone dans une zone sensible a bien été enregistré dans une entreprise de surveillance des espaces aériens.

« J’ai la trajectoire du drone, j’ai tous les points de détection., indique Chloé Hannouille, responsable produit chez Skeydrone. J’ai également le numéro de série, l’identifiant de l’opérateur, les différentes altitudes à laquelle vous avez été, si vous avez été autoriser ou non de voler et dans votre cas, il n’a pas été autorisé ».

En Belgique, la détection de drones est plutôt efficace. L’an dernier, 31 000 vols ont été localisés dans des zones surveillées. Neuf sur dix n’étaient pas autorisées. Comment ça se fait que le vol de notre drone n’a pas été neutralisé ? « C’est aux équipes opérationnelles et à la police de décider si oui ou non elles décident de déployer des équipes pour intercepter le drone et potentiellement le pilote », explique Chloé Hannouille.

Quand est-il envisagé de neutraliser un drone ? La police fédérale refuse toute interview sur le sujet : « Pour des raisons de sécurité et afin de préserver nos techniques et tactiques, nous ne ferons pas de commentaires ».

Quelle est l’ampleur de la menace des drones et surtout comment les neutraliser ? Notre enquête se poursuit à Saint-Trond. Au droneport centre névralgique du secteur, plusieurs entreprises présentent leurs avancées technologiques en matière justement de neutralisation.

Un canon est installé sur un véhicule. Il permet de tirer des munitions de 30 mm. Efficaces, mais seulement contre certains types de drones. « Il n’y a pas de solution miracle. Il n’y a pas la solution qui va tout faire, observe Thierry de Cooman, chef de projets stratégiques au FN Herstal. En tout cas, nous, on ne l’a pas encore trouvée. Je doute que quelqu’un d’autre l’ait trouvée également. Et donc on essaye d’apporter notre pierre à l’édifice en développant quelque chose qui soit efficace, à prix abordable. »

Le prix, l’élément central

Ce drone à ci-dessous gauche coûte 1 000 €, celui à droite 25 millions d’euros. La menace est multiple. Les moyens de neutralisation doivent être proportionnels. Tout le monde nous parle de prix. Pourquoi en fait ?

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Samuel Longuet, spécialiste en armement du groupe de recherche et d’information sur la paix (GRIP), nous éclaire: « Parce qu’abattre un drone qui va coûter 10.000 ou même 70.000 € avec un missile à un demi-million ou 1 million d’euros, c’est quelque chose qui peut valoir le coup si le drone s’apprête à attaquer une cible qui elle-même peut créer des millions d’euros de dégâts. Mais sur le long terme, si on envisage une campagne de longue haleine, c’est quelque chose qu’on ne va pas être capable de faire éternellement pendant des semaines, des mois, des années. »

Dans le droneport, nous assistons à une démonstration d’une entreprise spécialisée. Des drones suspects sont d’abord détectés par des capteurs. Leur dangerosité est avérée. Ils sont ensuite neutralisés par un laser efficace. Dominique Van Heddegem, directeur commercial de Thales Belgique, nous montre des drones partiellement carbonisés dans le cadre de tests. « Ici, on a touché une pièce vitale, ici, on a brûlé plus longtemps, explique-t-il. En plus du prix, il faut adapter l’intervention à l’environnement. C’est pour ça que, sur mesure, on va devoir développer des systèmes de contre-mesures. »

« On sait brouiller un drone, mais au-dessus d’un aéroport, ce n’est pas du tout une bonne idée pour d’évidentes raisons de sécurité aérienne, raconte Samuel Longuet, spécialiste en armement du groupe de recherche et d’information sur la paix (GRIP). En fonction de l’endroit où est le drone, on n’a pas toujours une solution miracle. »

Ces nouvelles technologies intéressent forcément nos militaires. La défense belge adapte ses moyens en permanence. Au droneport, même les Néerlandais étaient présents. « Nous sommes en train de regarder s’il y a de nouvelles solutions au problème des drones et nous renforçons la coopération internationale », indique Michel Coopman, membre des forces aériennes de l’aviation néerlandaise.

Parce qu’après les incursions de drones au Danemark, en Pologne, en Roumanie, en Estonie, en Allemagne et même en Belgique, « toute personne qui viole l’espace aérien européen est susceptible d’avoir des représailles », a averti le président français Emmanuel Macron. « Si les Russes osent lancer des drones contre la Pologne ou violer l’espace aérien des pays d’Europe du Nord. Cela signifie que cela peut se produire n’importe où », mettait en garde Volodymyr Zelensky, président ukrainien.

Un mur anti drones pourrait être construit à l’Est avec la présence du siège de l’OTAN. La Belgique pourrait être ciblée.

« Je crois que c’est un gros défi pour tous les pays européens et la Belgique en particulier», déclarait Frederik Vansina, chef de la défense dans le RTL info Signatures. «Nous avons quelques protections que je ne vais pas détailler ici. Mais c’est clair qu’il faudra encore faire des gros investissements pour mieux protéger notre population », a-t-il ajouté.

Si un drone russe arrive en Belgique, qu’est-ce qu’on fait ? « Ça dépend de sa taille, explique Frederik Vansina. Si c’est un grand drone, nous allons sans doute l’abattre. Si c’est un petit drone, comme je le disais, il faudra voir si on l’abat, où il va tomber. Qu’est-ce qu’il était en train de faire ? Dans ce genre de choses, il faut surtout garder la tête froide. »

Vendredi, des drones ont survolé la base militaire d’Elsenborn, dans les Cantons de l’Est. Un incident qui risque de se reproduire. Pour s’y préparer, la défense a formé un groupe d’experts en juin dernier. Parce qu’on estime désormais que cette technologie est une stratégie essentielle.

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