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Depuis quatre jours, Los Angeles est le théâtre de manifestations et d’émeutes liées à la politique migratoire de Donald Trump. De nombreux habitants protestent contre les expulsions de migrants, dénoncées par certains comme une application brutale de la loi. Ces rassemblements se sont transformés en heurts violents, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre sur place.
Sur son réseau social, Donald Trump a justifié sa décision en affirmant que « Los Angeles serait en train de brûler s’il n’avait pas envoyé l’armée. »
Pour notre spécialiste États-Unis, Sébastien Rosenfeld, le président américain pourrait tirer bénéfice des affrontements actuels. « Il vise un triple objectif : renforcer son pouvoir, mater potentiellement les États démocrates et puis il veut affaiblir un homme, Gavin Newsom, le gouverneur de Californie, parce qu’il est populaire, il est démocrate et il est potentiellement un candidat pour l’élection présidentielle de 2028. »
Le président américain a réquisitionné la Garde nationale en Californie contre l’avis du gouverneur démocrate Gavin Newsom, affirmant vouloir ainsi rétablir l’ordre à Los Angeles après des échauffourées. Il a ensuite ordonné la mobilisation de 700 Marines pour prêter main forte aux quelque 2.000 membres de la Garde nationale déjà placés temporairement sous l’autorité du gouvernement fédéral.
Voici les questions immédiates soulevées par cette initiative inédite depuis 60 ans.
Comment Trump peut-il utiliser la Garde nationale en Californie ?
En réquisitionnant pour 60 jours la Garde nationale contre la volonté du gouverneur de l’État concerné, une première depuis le président Lyndon Johnson en Alabama (sud) en 1965 pour protéger les manifestants pour les droits civiques, Donald Trump a invoqué une loi sur la « rébellion ou risque de rébellion contre l’autorité du gouvernement des États-Unis ».
Le gouverneur de Californie a intenté un recours, l’accusant d’outrepasser ses pouvoirs. Il demande à la justice de suspendre immédiatement la décision présidentielle, au motif notamment qu’aucune des conditions énoncées par la loi n’est remplie.
Ces conditions sont soit l’invasion par une puissance étrangère, soit la rébellion contre les institutions américaines, soit l’incapacité pour le président de faire respecter les lois par les moyens ordinaires à sa disposition.
Interrogé mardi au Congrès sur le fait de savoir laquelle de ces conditions correspondait à la situation à Los Angeles, le ministre de la Défense Pete Hegseth a répondu : « Les gens peuvent se faire leur propre idée, mais à mon avis toutes les trois à la fois ». La loi autorise les militaires ainsi mobilisés à assurer la protection de bâtiments fédéraux mais pas à accomplir eux-mêmes des missions de maintien de l’ordre.
La mobilisation en renfort des Marines change-t-elle la donne ?
Sur le plan juridique, la participation des Marines est gouvernée par les mêmes règles que celle des militaires de la Garde nationale. Mais ces troupes d’élite destinées à la projection sur des théâtres d’opérations extérieurs sont particulièrement inadaptées au territoire américain, observe Rachel VanLandingham, professeure de droit et ancienne lieutenant-colonelle dans l’Armée de l’air.
« Ce n’est pas leur mission première, ni secondaire… ni tertiaire », déclare-t-elle. « Les Marines ne sont pas formés pour patrouiller dans les rues de nos villes. Certes ils peuvent avoir des rudiments de maîtrise des foules, mais ils s’en servent dans des zones de combat, pas à Los Angeles », ajoute-t-elle.
Les militaires américains peuvent-ils mener des missions de maintien de l’ordre ?
Non, le principe en est clairement posé par le « Posse Comitatus Act », qui interdit d’utiliser des militaires contre des citoyens américains.
Mais Donald Trump pourrait, comme il l’a évoqué lui-même, aller plus loin en invoquant « l’Insurrection Act » s’il estime que ces mesures, pourtant déjà exceptionnelles, ne suffisent pas.
Que permet la loi contre la rébellion ou « Insurrection Act » ?
« L’Insurrection Act », compilation de lois des XVIIIe et XIXe siècles, est une « exception au Posse Comitatus », explique Chris Mirasola, professeur de droit et ancien conseiller juridique du Pentagone.
« Il habilite juridiquement le président à utiliser l’armée à des fins de maintien de l’ordre à l’intérieur des États-Unis dans certaines circonstances définies, généralement liées à l’obstruction au maintien de l’ordre fédéral », précise-t-il sur le site Lawfare.
« Pour résumer, les conditions dans lesquelles il peut être utilisé, c’est quand tout part en vrille », indique William Banks, un autre professeur de droit.
Il a été invoqué pour la dernière fois en 1992 par le président George Bush père à la demande du gouverneur républicain de Californie Pete Wilson, confronté à des émeutes sans précédent à Los Angeles à la suite de l’acquittement des policiers qui avaient passé à tabac Rodney King, un automobiliste noir, l’année précédente.


















