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« Tout ce qui pénètre dans cette zone est détruit en quelques minutes » : comment les drones ont transformé la guerre en une « zone de destruction » totale ?

En Ukraine, les petits drones FPV bon marché redéfinissent la guerre moderne, rendant chars et avions obsolètes. Invisibles, précis et létaux, ils imposent de nouvelles tactiques et menacent désormais aussi l’Europe bien au-delà du champ de bataille.

Le conflit en Ukraine a marqué un tournant fondamental dans l’art de la guerre. Loin des tactiques de la Première Guerre mondiale observées en 2022 avec « des chars qui se tiraient dessus et des soldats qui combattaient dans des tranchées », le champ de bataille de 2025 est désormais dominé par le drone. Benjamin Wolba, co-fondateur de l’European Defence Tech Hub (EDTH), décrypte pour nous cette mutation technologique et stratégique.

L’arme la plus inattendue ? Le petit drone FPV (First-Person View), bon marché et d’une précision redoutable. Il a redistribué les cartes, rendant toute manœuvre traditionnelle obsolète. « Tout ce qui tente de pénétrer dans cette zone, qu’il s’agisse de drones ou de véhicules blindés, est détruit en quelques minutes ou quelques heures », détaille le co-fondateur de l’EDTH.

L’asymétrie mortelle : quand un drone à 500 dollars détruit un tank

La première révolution est économique, et elle est frappante. Les systèmes d’armes très coûteux et complexes sont désormais à la merci de drones FPV qui ne valent que quelques centaines ou un millier de dollars. « Les drones ont fondamentalement changé le calcul des coûts de la guerre. Nous avons des drones FPV très bon marché qui neutralisent des systèmes très coûteux et très spécialisés comme des chars, des avions de chasse ou des hélicoptères », explique Benjamin Wolba.

« Il en résulte une asymétrie fondamentale : des systèmes bien moins chers permettent de neutraliser des systèmes très spécifiques qu’il est impossible de produire aussi facilement à grande échelle », dit-il.

70 à 80 % des pertes et des blessures sont désormais attribuables aux drones FPV

Cette asymétrie de coût permet une production à grande échelle et un engagement constant. L’impact sur la sécurité des troupes est radical : dans les zones de combat, 70 à 80 % des pertes et des blessures sont désormais attribuables aux drones FPV.

L’artillerie ne représente plus qu’environ 16 %, et les armes légères traditionnelles seulement 4 %. Le front s’est transformé en une véritable « zone de destruction » de 5 à 20 kilomètres où « rien ne survit ». Les tactiques militaires doivent s’adapter à cette réalité : avancer en grands groupes est synonyme de destruction rapide. Soldats ukrainiens et russes sont contraints d’opérer en très petits groupes de deux ou trois, se déplaçant la nuit ou par temps de brouillard, adoptant une guerre décentralisée.

Des liaisons fibre optique pour une furtivité totale

Face à l’omniprésence des drones et aux systèmes de guerre électronique (EW) déployés pour les brouiller, l’innovation est incessante. Initialement, les drones utilisaient des liaisons radio analogiques, faciles à intercepter ou à brouiller. La riposte, simple et ingénieuse, vient des drones à fibre optique.

« Vous attachez un câble à fibre optique à un drone FPV, et vous pouvez maintenant transmettre des données à l’opérateur via ce câble. Le câble est sur une bobine et peut s’étendre sur 5, 10, 20, voire 50 kilomètres », détaille l’expert de l’European Defence Tech Hub (EDTH).

L’avantage est majeur : la communication devient impossible à brouiller ou à pirater tant que la fibre n’est pas coupée. Cela confère aux pilotes une fiabilité totale. Ce développement s’est avéré « extrêmement efficace » sur le terrain, notamment en attaquant les lignes logistiques cruciales de l’ennemi.

La vulnérabilité croissante de l’Europe

La menace ne se limite plus au front. Des incidents récents, notamment à Bruxelles, Liège, Munich et Copenhague, où des aéroports ont été contraints de fermer après des signalements de drones, montrent l’impact psychologique et la vulnérabilité croissante de l’Europe.

Le continent fait face à une nouvelle vague de défis : détecter ces petits objets furtifs avec des radars souvent trop lents, élaborer des solutions anti-drones abordables (sans avoir à utiliser des missiles air-air coûteux), et répondre aux questions légales : qui est autorisé à abattre un drone dans l’espace aérien national, la police ou l’armée ? La course à la technologie continue, avec l’émergence de systèmes basés sur l’intelligence artificielle, capables d’opérer sans liaison radio, mais la révolution du drone bon marché a déjà eu lieu.

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