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Garder secret leur trésor de guerre, c’est avant tout stratégique pour les syndicats. Ne pas dévoiler ni aux patronats, ni aux politiques, combien de jours de grève ils sont capables de financer, de tenir. C’est aussi une façon pour les syndicats d’éviter toute ingérence des décideurs, les coups de pression sur leurs actions, des principes garantis par l’Organisation Internationale du Travail depuis l’après-guerre, au nom de la liberté syndicale.
C’est la caisse de résistance, ce trésor de guerre, qui permet notamment d’indemniser les grévistes. En 2022, par exemple, les syndicats ont déboursé 19,5 millions d’euros pour financer les grèves. Mais impossible de savoir combien de temps ils pourraient tenir le bras de fer face aux patronats et aux politiques. Jean Faniel, Directeur du CRISP, le centre de recherche et d’information sociopolitique : « Si vous voulez pouvoir remporter ce combat, il faut que vous ne puissiez pas dire à votre adversaire combien de temps vous allez pouvoir tenir. Et donc il faut cacher la capacité que vous avez en caisse pour pouvoir indemniser les grévistes, et donc le temps que vous allez pouvoir rester ».
Légalement, on n’est pas condamnable comme organisation devant la loi
C’est leur statut juridique qui permet avant tout aux syndicats de ne pas dévoiler leurs cartes, organisées en association de fait. « Le principe d’une association de fait, c’est qu’on ne doit pas publier les comptes et que légalement on n’est pas condamnable comme organisation devant la loi. Comme ce sont des cotisations des membres, de l’argent privé, ce sont évidemment les membres qui doivent recevoir des comptes par rapport à l’utilisation de cet argent », explique Pierre Tilly, historien et professeur à l’UCLouvain.
Liberté syndicale
La Belgique ne fait pas exception. Depuis 1946, la liberté syndicale est garantie par l’Organisation Internationale du Travail, mais aussi le droit au secret. « Dans ses premiers articles, elle énonce bien qu’il faut que l’action syndicale soit préservée, protégée de toute ingérence politique. Il y a de la tactique évidemment, mais devoir déclarer son trésor de guerre, ce serait se soumettre au diktat du politique ou de devoir s’incliner devant des décisions politiques », ajoute Pierre Tilly.
La Belgique est l’un des pays les plus syndiqués d’Europe, juste derrière les pays nordiques, avec un taux de syndicalisation autour de 50 %. Mais alors que la lutte sociale s’intensifie, de moins en moins de travailleurs font le choix de se syndiquer et c’est depuis une dizaine d’années une tendance à la baisse jamais observée depuis les années 80.

















