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« Il m’a dit que cette pratique était illégale » : pourquoi certains professeurs exigent plus de 50 % pour réussir un examen à l’université ?

Par Gaëtan Willemsen
Une étudiante de l’ULB se demande si un système d’évaluation pratiqué par certains professeurs est bien légal. Pour obtenir 10/20 à leur examen, il faut donner 12 bonnes réponses sur 20. Une méthode appelée « standard setting », qui vise à compenser la part de points acquis grâce à la chance. Cette pratique est-elle vraiment légale ?

Héléna (prénom d’emprunt) est étudiante en 2ème année de logopédie à l’Université Libre de Bruxelles. Lors d’un examen de première année, elle avait été confrontée une première fois à une méthode de cotation différente. En effet, depuis 2013 et l’introduction du décret Paysage, il faut une note de 10/20 pour réussir dans le supérieur, alors qu’il fallait 12/20 auparavant. Mais sa professeure avait expliqué qu’à son examen, « il fallait 12 bonnes réponses pour avoir 10/20 ». Et effectivement, après correction de son examen, « j’avais 13 bonnes réponses, mais une note de 10,5/20 », nous décrit-elle, assurant qu’à ce moment-là, elle n’avait pas pensé à remettre ce système en question.

Mais « à la rentrée, deux autres professeures nous ont dit qu’elles appliquaient cette méthode. Et à l’issue d’un examen avec un troisième professeur, qui n’avait pas parlé de ses modalités à lui, je lui ai demandé s’il appliquait aussi ce système », explique-t-elle. Sa réponse fut catégorique : « Il a été choqué ! Il m’a dit que cette pratique était clairement illégale et de bien aller lire le règlement général des études de l’ULB car ça ne le respecte pas, ni le décret en place. »

Pour lui comme pour elle, cela reviendrait à contourner le seuil de 10/20 imposé en Fédération Wallonie-Bruxelles. Mais ne parvenant pas à obtenir d’informations claires de ses interlocuteurs au sein de l’école, Héléna s’est tournée vers nous via notre bouton orange Alertez-nous, avec une question simple : « Qu’en est-il d’un point de vue légal ? »

Le standard setting bel et bien légal

La réponse de l’ULB ainsi que de la ministre-Présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en charge de l’enseignement supérieur, est tout aussi simple : oui, c’est bien légal… car on parle ici d’une norme appelée le standard setting.

« La méthode d’évaluation évoquée, connue sous le nom de standard setting, est effectivement utilisée dans certains cours du programme de logopédie », reconnaît l’Université. Elle « consiste à fixer un seuil de réussite supérieur à 50 % de bonnes réponses pour atteindre la note de 10/20 », détaille l’ULB, et est « principalement employée dans les examens de type QCM afin de réduire la part du hasard dans ce type d’évaluations », explique Élisabeth Degryse.

Pour ne pas récompenser les chanceux qui répondent au hasard

En effet, lorsqu’on répond à un QCM au hasard sans connaître la réponse, il y a une part de chance qui intervient. Une chance sur deux s’il n’y a que 2 réponses possibles, un sur trois pour trois réponses, etc. Le but du standard setting, c’est de compenser cette part de chance dans la cotation finale.

L’Université de Gand, précurseur en la matière, explique très bien quel nombre de bonnes réponses il faut obtenir pour obtenir la moitié des points, soit 10/20, avec ce système. En utilisant une formule détaillée sur leur site internet, ce seuil est de 75 % de bonnes réponses pour un QCM à 2 options, 66,67 % pour 3 options, 62,50 % pour 4 options, 60 % pour 5 options et 58,33 % pour 6 options.

Les QCM à 4 options de réponses étant les plus courants, il faut dès lors obtenir généralement 62,50 % au lieu de 50 % pour réussir. Héléna, avec ses 13 bonnes réponses, avait par exemple obtenu 65 %. Via une autre formule, cela est converti en note sur 20 : 10,6666…, soit les 10,5 qu’elle a obtenus.

Les QCM à points négatifs défavorisent les étudiantes

Cette méthode est de plus en plus utilisée dans les universités pour remplacer une autre méthode bien connue : les QCM à points négatifs, appelés aussi correction for guessing, qui pénalisent les mauvaises réponses d’un score de – 1 ou de – 0,5.

L’ULB nous explique que cette méthode « est aujourd’hui déconseillée par de nombreuses institutions » car elle introduit un « biais défavorable » : un biais de genre. En effet, selon plusieurs études et travaux, ces QCM à points négatifs favorisent les étudiants qui prennent des risques et pénalisent ceux qui n’en prennent pas ou moins. Un comportement prudent adopté par plus de femmes que d’hommes, désavantageant donc les étudiantes.

Une des raisons pour lesquelles certaines universités ont décidé de bannir ces QCM à points négatifs, là où d’autres les découragent fortement au profit du standard setting.

D’abord contesté en justice avant de relever de la liberté académique

Mais l’adoption de cette nouvelle méthode ne s’est pas faite sans heurts. Contestée devant les tribunaux en 2021 par un étudiant, celui-ci avait d’abord obtenu gain de cause dans l’arrêt estimant que le standard setting n’était pas conforme au décret Paysage. « Toutefois, cet arrêt a depuis pu être challengé par d’autres éléments de jurisprudence », fait remarquer la ministre-Présidente Elisabeth Degryse.

Résultat, dans toutes les universités et hautes écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, « chaque institution et chaque enseignant peut déterminer ses lignes de conduite en la matière », explique-t-elle. « Cette pratique relève de la liberté académique des enseignants qui peuvent choisir la méthode d’évaluation la plus adaptée à leur unité d’enseignement, dans le respect du cadre institutionnel et du Règlement Général des Études », confirme l’ULB.

Seule condition : prévenir assez tôt

Et parmi ces règles, en figure une importante pour rendre le standard setting applicable : le fait que « les étudiantes et étudiants en soient informés préalablement conformément à l’article 77 du décret Paysage », détaille encore Élisabeth Degryse. Ce qui est le cas à l’Université Libre de Bruxelles : « Les modalités sont communiquées aux étudiants via les fiches de cours et lors des premières séances. » Voilà pourquoi Héléna a déjà été informée des cours qui appliqueront ce système à leur examen.

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