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Jérémie, 35 ans, est chauffeur de taxi depuis 3 ans dans la province de Namur. Un métier qu'il "adore" pour une société et un patron qu'il apprécie. Mais il vient de recevoir une nouvelle décevante : il lui doit 6684€ !
"Ils viennent de se rendre compte qu'ils se trompent sur mon salaire depuis janvier 2023. Ils ont systématiquement doublé le montant de mon indemnité RGPT", nous dénonce Jérémie via notre bouton orange Alertez-nous. Pour le secteur des taxis, il s'agit d'une indemnité de 4,57% des recettes brutes, donc variable d'un mois à l'autre.
Selon son patron, la faute a été commise par SD Worx, le secrétariat social auprès duquel il sous-traite le calcul des salaires à verser à ses chauffeurs. "Effectivement un problème s'est passé", confirme Georges Verleyen, qui y est directeur pour les PME en Wallonie et à Bruxelles. Mais "c'est un problème qui date de plus d'un an et on n'a pas pu retrouver l'intégralité de l'information.", nuance-t-il.
L'erreur ne vient pas de moi. Ça devrait être à eux de rembourser
"Leur seule solution pour une erreur qu'ils ont commise c'est que je me débrouille pour rembourser mon patron. Mais je ne suis pas d'accord. L'erreur ne vient pas de moi. Ça devrait être à eux de rembourser", estime Jérémie, qui se retrouve bien ennuyé à devoir sortir près de 6700€ d'argent qu'il pensait de bonne foi avoir gagné au fil des 15 derniers mois. "Je vis seul, j'ai un crédit auto et un loyer comme tout le monde…"
Un argument qui parait logique : il a perçu ce supplément de bonne foi, sans s'en rendre compte puisqu'il s'agit de la partie variable de son salaire. Mais du point de vue du droit, c'est différent. "D'un point de vue théorique je compatis pour ce monsieur qui n'a rien fait de mal", mais "l'erreur ne crée pas un droit", rappelle tout d'abord l'ancien Bâtonnier Robert De Baerdemaeker, spécialisé en droit du travail.
Quand on touche un indu, on doit le rendre, c'est la loi
Ici, la loi qui s'applique est relativement simple : "Quand vous touchez quelque chose qui ne vous revient pas, vous touchez un indu. Et vous devez le rendre. C'est un principe de droit civil et à ce stade-ci, le malheureux est dans cette situation-là", explique-t-il.
Ce que confirme Georges Verleyen de SD Worx : "Il s’agit d’un paiement indu et dans ce cas de figure, la loi prévoit l’obligation pour la personne l'ayant reçu de le rembourser. On a été en contact avec nos juristes pour s'assurer des meilleures démarches à suivre, aussi bien pour nous que pour l'employeur et le travailleur. Plusieurs scénarii pourraient exister, notamment la possibilité de dire à l'employeur que le travailleur n'aurait pas à rembourser, mais en cas de contrôle du fisc, notre client et son travailleur auraient eu des problèmes car il s'agit d'une indemnité qui pourrait être requalifiée en salaire. Je comprends parfaitement qu'au niveau du travailleur c'est fort dommageable, mais il s'avère que rembourser est la seule solution" prévue par la loi.
Une disposition légale qui s'applique à tout le monde et qu'il vaut mieux connaitre. En effet, quiconque recevant une somme d'argent sur son compte bancaire sans en connaitre la provenance ou sans s'y attendre doit le signaler et, s'il s'agit d'une erreur, rendre l’argent.
Seule possibilité : parvenir à prouver en justice que cette histoire lui a causé un préjudice
Le seul élément sur lequel Jérémie pourrait jouer, c'est s'il parvenait à prouver qu'il a subi un préjudice. Mais "s'il venait me trouver, il râlerait, je râlerais avec lui, mais je lui déconseillerais un procès", avoue Me De Baerdemaeker. "Je crois ici qu'on perdrait et on ne pourrait pas prouver que le préjudice subit équivaut à 6700€. L'évaluation du préjudice est horriblement difficile et spécialement pour un préjudice moral, les tribunaux sont très frileux. De plus, ce qui est absurde, c'est que pour 6700€, le procès coûterait plus cher. Rien que pour payer les 3 avocats sans parler du juge…" En gros, le jeu n'en vaudrait pas la chandelle.
Par contre, si Jérémie ne doit engager aucun frais de sa poche, il devient alors intéressant de tenter d'obtenir le paiement d'une partie du montant en dédommagement pour le préjudice subi. Et il compte justement aller sonner à la porte de ceux qui peuvent se le permettre : "Je vais aller trouver mon syndicat pour voir ce que je peux faire", explique Jérémie. Une bonne idée selon l'expérimenté avocat. "Ça ne lui coute rien et les syndicats ont une politique de se faire valoir vis-à-vis de leurs affiliés. Ils veulent aussi défendre des idéaux, protéger les travailleurs. Là, il serait intéressant de voir ce que le tribunal dirait. Tout est possible. Ça devient jouable."
Un étalement du remboursement doit être possible
Mais avant tout cela, "il doit d'abord pouvoir régler la somme en un an", estime encore Me De Baerdemaeker. Ce que le secrétariat social conseille aussi au patron de Jérémie : "On lui conseille de réclamer cet argent sur une longue période, par exemple sous forme de retenue sur salaire", explique le directeur PME Wallonie-Bruxelles de SD Worx, chez qui les erreurs de ce type, sur un volume de 1,2 million de fiches de salaire par mois, restent heureusement très rares.



















