Partager:
Tous les Wallons portent dans leur corps des polluants persistants. C'est le constat d'analyses réalisées sur un échantillon de la population. Pesticides, plomb, mercure, métaux lourds... 95% des personnes contrôlées dépassent le seuil de santé en termes de PFAS.
Un consortium scientifique a publié les résultats de la troisième phase du programme BMH-Wal (Biomonitoring Humain Wallon), une étude majeure visant à évaluer l’exposition des Wallons et Wallonnes aux substances chimiques et polluants présents dans l’environnement, l’eau, l’alimentation et les produits du quotidien. Ces données, qui jouent un rôle clé dans la surveillance sanitaire et environnementale, révèlent la présence de diverses substances chimiques dans l'organisme des habitants de la région.
Les analyses réalisées par les chercheurs de l’Institut Scientifique de Service Public (ISSeP) ont porté sur 80 substances chimiques détectées dans les échantillons de sang et d'urine des participants, notamment des métaux lourds (plomb, mercure, cadmium, arsenic), des pesticides (glyphosate, pyréthrinoïdes, organophosphorés), des plastifiants (bisphénols), des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs) ainsi que des polluants organiques persistants (PCBs, PFAS).
Les résultats montrent que les concentrations des polluants en Wallonie sont du même ordre que celles observées dans d’autres pays européens, voire inférieures pour certaines substances ayant fait l’objet de restrictions récentes au niveau belge ou européen. Des exemples notables incluent les PFAS, le glyphosate, le chlorpyriphos, le bisphénol A et certains pesticides organochlorés.
L'étude révèle plusieurs différences selon l’âge des participants. Les enfants présentent une imprégnation plus élevée pour certains pesticides, les bisphénols, les HAPs (hydrocarbures aromatiques polycycliques, NDLR) et plusieurs métaux lourds. Cela s'explique en partie par leurs comportements, comme la tendance à porter fréquemment leurs mains à la bouche, et par des habitudes alimentaires spécifiques.
Niveaux préoccupants de plomb, mercure, cadmium et PFAS
Les adultes de 40 à 59 ans sont plus exposés aux substances persistantes qui s’accumulent avec le temps, comme les PCBs, les pesticides organochlorés, le plomb, le cadmium et les PFAS. Le plomb, par exemple, a été retrouvé chez tous les adultes testés : près de 15% dépassent même les seuils sanitaires. Autre substance chimique détectée, le mercure, chez 99% des participants. Même constat pour l'arsenic.
Des risques pour la santé ne peuvent être écartés pour ces polluants chez les adultes de 40 à 59 ans, ce qui appelle à une vigilance accrue et à des mesures pour réduire encore davantage l’exposition.
On ne va pas s'inquiéter pour la santé de nos enfants, mais il faut limiter leur exposition à toute une série de polluants
Yves Coppieters, ministre de l’Environnement, a réagi aux résultats en appelant à une vigilance accrue : "Ces résultats confirment une réalité à laquelle nous devons faire face : la présence de polluants dans notre environnement et, par conséquent, dans l’organisme des Wallonnes et des Wallons. [...] Ce constat nous invite à aller plus loin. Mieux connaître notre environnement, c’est mieux protéger notre santé."
Le ministre a réaffirmé la volonté des autorités de poursuivre les efforts pour limiter l’exposition aux polluants en renforçant les réglementations dans des secteurs-clés tels que l’agriculture, l’industrie et les produits de consommation. Le programme BMH-Wal souhaite mieux comprendre l’exposition de la population wallonne aux polluants afin de guider les décisions politiques en la matière.
Les enfants particulièrement touchés
Une attention toute particulière est portée sur les enfants. Ils sont en effet plus imprégnés en certains polluants, comme les pesticides et plusieurs métaux lourds.
"Les polluants de type pesticides peuvent entraîner des problèmes de type immunitaire ou des problèmes d'anémie ou autre. Donc oui, il y a des problèmes de santé qui sont documentés. On ne va pas s'inquiéter pour la santé de nos enfants, mais il faut limiter leur exposition à toute une série de polluants pour leur permettre bien sûr une croissance optimale", rassure Yves Coppieters, ministre wallon de la santé et de l’environnement.
Il est par exemple recommandé de bien leur couper les ongles et leur laver les mains fréquemment. De manière plus générale, il est aussi conseillé d'être vigilant à son alimentation.
"Il faut en limiter sa consommation"
Selon Aline Jacques, responsable de projet à l’ISSEP, il est important d'être attentif à ce que l'on ingère : "On ne dit pas qu'il ne faut pas manger du riz, on ne dit pas qu'il ne faut pas manger de poisson. Il y a énormément de bienfaits à manger du poisson. Mais il faut en effet limiter sa consommation, ne pas en manger tous les jours parce que c'est une source d'exposition aux polluants".
La phase 4 du programme BMH-Wal est déjà en cours. Elle portera sur l’analyse de nouveaux polluants issus de l’environnement et de l’alimentation dans les échantillons biologiques collectés au cours des trois premières phases. Une étude approfondie des données socio-économiques et comportementales des participants permettra également d’évaluer l’impact de leur environnement (urbain, rural, agricole) sur leur exposition aux substances chimiques.
Le programme BMH-Wal
Le projet BMH-Wal, soutenu par le gouvernement wallon, est mené sous la coordination de l'Institut Scientifique de Service Public (ISSeP), en collaboration avec plusieurs institutions de recherche, dont le Centre Hospitalier Universitaire de Liège (CHU-Liège), l'Université Catholique de Louvain (UCLouvain), les Cliniques Universitaires Saint-Luc (CUSL) et Sciensano. L'objectif principal est de quantifier l'imprégnation chimique des Wallons afin de mieux comprendre leur exposition aux substances potentiellement toxiques.
À ce jour, l'étude s'est déroulée en trois phases successives, ciblant différentes tranches d'âge de la population :
- Phase 1 (2019-2020) : nouveau-nés, adolescents de 12-19 ans et adultes de 20-39 ans
- Phase 2 (2020-2021) : enfants de 3-5 ans et de 6-11 ans
- Phase 3 (2023) : adultes de 40-59 ans
Depuis son lancement en 2019, 1 732 Wallons et Wallonnes ont, au total, participé au programme BMH-Wal. Les échantillons ont été recueillis dans des maternités, écoles et institutions publiques, et analysés pour déterminer la présence dans le corps des Wallons de divers polluants.