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C’est une première dans l’histoire du Moyen-Orient, l’ONU a déclaré officiellement la famine à Gaza, une catastrophe humanitaire qui touche déjà plus d’un demi-million de personnes et qui pourrait s’aggraver dans les semaines à venir.
Jérôme Grimaud, coordinateur des urgences de Médecins Sans Frontières, se trouve en ce moment même à Gaza City. Il fait le point dans le RTL info 13h ce samedi.
Pouvez-vous d’abord nous décrire la situation que vous constatez sur place ?
C’est une situation qui est de plus en plus difficile à décrire. Les mots manquent, les superlatifs manquent. On est, je veux le rappeler, à Gaza, dans une cage. La population, contrairement à tous les pays dans lesquels on est allé travailler, ne peut pas fuir. Elle ne peut pas traverser la frontière pour aller se réfugier ailleurs. Elle est prise au piège. Elle n’a aucun endroit pour être en sécurité. Et aujourd’hui, elle fait face à la famine qui est utilisée comme une arme de guerre. Des difficultés d’accès à l’eau, un manque de soins, des hôpitaux qui sont débordés. Il y a deux à trois fois plus de patients que les hôpitaux ne devraient en accueillir.
Donc là, on est au bord de l’abysse avec en plus, comme vous le savez, cette menace d’une opération militaire majeure sur la ville de Gaza qui pourrait voir le déplacement forcé d’un million de personnes dans les prochains jours ou les prochaines semaines du nord au sud de la bande de Gaza.
Quels sont les critères précis qui ont permis de déclarer officiellement un état de famine ?
Essentiellement, il y en a trois. Le premier, c’est qu’au moins 20 % des familles n’ont pas accès à la nourriture. 30 % des enfants (ou 15 % en fonction de la méthode scientifique utilisée) sont en état de malnutrition sévère. Et puis, deux personnes sur 10 000 meurent chaque jour, soit de malnutrition, soit d’une combinaison de malnutrition et de maladie. Ce sont les trois critères essentiels.
Quelles sont les conséquences très concrètes et sans doute parfois difficiles de cette famine pour la population, notamment pour les enfants et les plus vulnérables ?
Pour les enfants, ça va être des retards de croissance qui vont être permanents. Le corps se fige et il y aura des retards qui ne se rattraperont pas pour l’avenir, à la fois au niveau du développement physiologique, mais aussi cognitif des enfants. Bien sûr, ça va toucher leur système immunitaire, leur capacité à se défendre contre la maladie. Les femmes enceintes vont être plus à risque de faire des fausses couches ou de mourir en couche. Pour les personnes âgées et les malades chroniques, c’est un déclin très rapide. Ce sont des conséquences immédiates.
Je voudrais aussi dire les conséquences que ça a pour les blessés et les brûlés qu’on soigne tous les jours. Je veux rappeler qu’on a de nouveaux patients par centaines dans la bande de Gaza, tous les jours entre 200 et 450 blessés. Lorsqu’on est blessé, pour guérir, pour cicatriser, il faut avoir un accès supérieur à des calories qu’une personne normale. Or, nous, dans les hôpitaux, on est capable de donner simplement un repas par jour où il n’y a pas de protéines. Aujourd’hui, par exemple, du riz avec des épices a été servi. Avec ça, un repas par jour qui sera l’unique, les patients ne peuvent pas guérir. Ça veut dire très concrètement, il faut l’entendre, que les plaies vont se surinfecter, qu’elles vont pourrir. Les jambes, les membres, vont pourrir. On va retrouver des vers dedans et on va devoir réopérer des gens et peut-être les amputer. C’est ça les conséquences au quotidien.


















