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"Ça me dégoûte, c'est tellement crapuleux": des escrocs entrent chez le papa de Mélanie sous un faux prétexte et lui volent 18.000€

Philippe (prénom d'emprunt), âgé de 77 ans, a été victime d'une arnaque peu répandue et particulièrement élaborée après avoir répondu à un simple mail de phishing. Peu de temps après, un "service anti-fraude" frappe à sa porte et parvient à lui voler 18.000€.

"Mon papa, âgé de 77 ans, a été victime d'une tentative d’hameçonnage par courriel", relate Mélanie, habitante de Ciney, qui nous a signalés l'arnaque via le bouton orange Alertez-nous. "Peu de temps après, il reçoit un coup de téléphone d’un monsieur du service anti-fraude qui dit : 'Vous avez répondu à un mail de phishing, on va venir chez vous, bloquer vos cartes'".

L'heure de la visite a de quoi surprendre : ils frappent à la porte à 22h, un samedi : "Des gens qui viennent à cette heure-ci, ça n’existe pas", expliquera la Cinacienne à son père après coup.

Deux individus se présentent à son domicile : "L'un se présente comme le chauffeur, il s’était garé en dehors du quartier, ce qui est déjà bizarre", explique Mélanie, décrivant un homme assez fin, en costume. "Habillé comme un chauffeur, quoi." Un deuxième individu, prétendument l'expert du service anti-fraude, rentre à son tour : "Ils ont demandé les cartes, les codes puis ont dit : 'Voilà, j’ai bloqué vos cartes'".

La présence de ces inconnus s'est prolongée tard dans la nuit. "Le monsieur est resté jusqu’à 1h du matin", explique Mélanie. Sous un faux prétexte d'éradication de virus, les escrocs ont pris le contrôle de l'ordinateur de son papa. "Ils disent qu’ils bloquent les comptes sur l’ordinateur. En fait, ils ont installé un logiciel pour contrôler l’ordinateur à distance."

Dans la confusion et la fatigue de cette heure tardive, son papa n'y voit que du feu, malgré un sentiment d'inquiétude chez la belle-mère de Mélanie. "Elle a senti l’oignon à cette heure-ci, elle se sentait en danger." Les malfrats partent, mais rappellent à Philippe de bien garder l'ordinateur allumé.

18.000 euros en tout

Le lendemain, dimanche matin, la terrible vérité éclate : "Je pense que ton père a fait une bêtise", lance la belle-mère de Mélanie. "Un monsieur est venu", continue-t-elle. "On est allé chez mon papa, on a appelé Card Stop, mais ils ont déjà enlevé 18.000 euros en tout", se désole la Cinacienne. Les escrocs ont tenté de vider tous les comptes de Philippe : "Un compte chez Beobank, un chez ING et un chez Bpost. Chez Beobank, ils ont vu qu’il y avait quelque chose de suspect, car ils ont envoyé de l’argent au Maroc. Donc ils ont arrêté ça directement. On ne savait pas joindre Bpost et ING qui n’ont rien fait."

Le couple tente de limiter les dégâts. Ils éteignent immédiatement l'ordinateur : "Les escrocs ont rappelé 14 fois dans la journée pour qu'il le rallume", se rappelle Mélanie qui tente aussi de contacter les différentes banques concernées. Malheureusement, l'impossibilité de faire appel rapidement à un responsable un dimanche a rendu la situation encore plus difficile pour la famille : "Ne pas savoir les joindre un dimanche, c’est fou, après ils disent qu’on aurait pu prévenir plus tôt", déplore Mélanie.

Action en justice

Le choc a été rude pour son père lorsqu'il a découvert l'étendue des pertes : "Le franc est tombé quand il a vu ses extraits de compte", confie sa fille. De nombreux retraits d'argent, des virements et des paiements sont apparus sur les relevés durant la nuit. Les malfrats ont par exemple effectué un virement de 5.000€ à Pay-Ov et plusieurs retraits à des points cash.

L'attitude des banques ING et Bpost aurait été particulièrement choquante pour la famille : "Chez ING, ils nous ont dit qu'il a donné les codes, donc il ne va rien récupérer. Chez bpost, c’était pareil", s'indigne Mélanie. La famille envisage désormais une action en justice pour tenter de récupérer les fonds : "Avec un peu de chance, si on prend un avocat, il y a peut-être moyen de récupérer les sous".

Mon papa est un super gentil

"Le monsieur l'a vraiment ruiné. Mon papa est un super gentil", confie Mélanie avec une colère palpable. "Il y croyait à 200%. C’était tellement gros et tellement improbable que c'est passé." La manipulation des escrocs a été si efficace que son papa en venait presque à s'irriter contre sa propre femme. "Il engueulait quasiment ma belle-mère, car elle ne disait pas merci qu’on vienne les aider. Ils lui ont vraiment fait un lavage de cerveau."

Quelques jours plus tard, Mélanie n'arrête pas de se repasser le film dans sa tête. Elle estime que la situation aurait pu tourner au vinaigre. "Ils n’ont pas réalisé, heureusement, mais nous, on s’est dit que s’ils avaient repéré la maison, avec des bijoux, on aurait pu les retrouver ligotés sur une chaise. Pour être crapuleux jusque-là, ils auraient pu être violents à cette heure-là, c’est un quartier tranquille". Un scénario qui n'est pas si lointain, puisque les escrocs auraient même demandé s'ils avaient des bijoux de valeur à la maison. Heureusement, Philippe et la belle-mère de Mélanie ont répondu que non.

L'ingénierie sociale, une technique redoutable

Pour comprendre ce type d'escroquerie, nous avons contacté Michele Rignanese, porte-parole pour le Centre pour la Cybersécurité Belgique. "C’est une escroquerie assez complexe. Ce sont des choses qu’on a déjà entendues mais l’aspect physique est moins courant", explique-t-il. L'aspect manipulation relève de "l'ingénierie sociale", selon l'expert. "Il faut absolument porter plainte. On pourrait se poser la question de si l’intégrité physique n'est pas menacée."

L'expert insiste sur la nécessité de retrouver les escrocs : "Il faut absolument stopper ces individus. On n’a pas la capacité policière d’enquête. Quand on voit les sites de phishing on essaye de voir vers où les liens pointent pour les bloquer. On peut bloquer la première partie fishing mais la deuxième partie, il faut qu’il y ait une enquête policière pour arrêter les individus."

Un modus operandi connu des services de police

Christophe Axen, directeur adjoint du Regional Computer Crime Unit de la police fédérale, affirme que ce mode opératoire n'est pas totalement nouveau : "On a déjà eu des associations de malfaiteurs qui prenaient contact, obtenaient une source de donnée, qui les mettait en contact avec une victime, afin de prétexter une venue sur place". Il précise que des faits similaires ont déjà été constatés à Liège et dans la région de Seraing-Neupré, avec des arrestations à la clé. "À Liège, il y a eu quelques faits de ce type-là et la police de la zone de Seraing-Neupré avait identifié des suspects. Une dizaine de personnes ont été arrêtés et des biens ont été saisis."

Ça se fait de manière très soft

Le directeur adjoint de la CCU explique que les escrocs agissent généralement avec courtoisie pour gagner la confiance de leurs victimes : "Normalement ça se fait de manière très soft et courtoise car le but c’est d’extorquer de manière très gentille". Pour l'officier de police, l'instauration d'un climat de confiance est essentielle pour les escrocs. "On appelle longuement la première fois en se faisant passer pour un service bancaire quelconque, puis un autre se fait passer pour un service de contrôle pour dire que c’est d’autant plus sérieux. Le premier service confirme les dires du deuxième... on fait apparaître des éléments qui rassurent la victime."

Conseils

Christophe Axen rappelle quelques conseils de sécurité de base, qu'il considère comme élémentaire : "Il ne faut jamais laisser rentrer d’étrangers chez soi. Ouvrir à 23h personne ne le ferait", indique-t-il. "Les organismes bancaires ne se déplacent certainement pas. Quand il y a un prob avec carte de banque, on demande de découper la puce, il n’y a pas de coursier ou de dépannage."

En cas de doute, il conseille vivement de contacter son agence bancaire pour vérification : "Lorsqu’on a le moindre doute, il faut les contacter". Son conseil : vérifier l'identité des individus qui se présentent chez vous en téléphonant à l'entreprise dont ils prétendent faire partie.

Pour éviter d'en arriver à une telle situation, Michele Rignanese, du Centre pour la Cybersécurité Belgique, rappelle les règles de base de la prévention contre le phishing : "Toujours bien regarder l’adresse quand c’est un mail, pour voir si l’adresse qui s’affiche est la même que la véritable adresse. En passant la souris dessus, ou en faisant répondre à, on voit si l’adresse est valide ou si c’est une adresse usurpéeSi vous avez déjà donné des informations ou cliqué, le premier réflexe c’est de bloquer les cartes bancaires".

Afin de bloquer votre carte de débit ou de crédit en cas de vol appelez Card Stop au 078 170 170. Plus de conseils sécurité sur Safe On Web.

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