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"Cela nous arrache le cœur": à Plombières, la famille Gonzalès est menacée d’expulsion

Depuis 2019, la famille Gonzalès vit à Plombières, après avoir fui le Salvador. Aujourd'hui, elle risque l’expulsion après l’échec des différents recours. De nombreux habitants de la commune se sont mobilisés pour demander sa régularisation. 
 

Le 10 mars dernier, plusieurs citoyens de Plombières se sont rassemblés pour demander la régularisation de la famille Gonzalès. Cette famille, qui avait fui le Salvador en 2019, risque aujourd'hui l'expulsion. Sa situation suscite de vives inquiétudes chez de nombreux habitants de l'entité, notamment au collège Notre-Dame de Gemmenich, que fréquente David (17 ans), l’aîné des deux enfants.

"Le 10 mars, on a organisé une mobilisation en soutien à la famille Gonzalès dans notre collège, indique Benoît Hilligsmann, le directeur du collège Notre-Dame de Gemmenich. C’est la deuxième mobilisation qu’on organise après celle qui avait eu lieu en 2023. L’idée était d’organiser une mobilisation dans la cour de l’école, car la situation devient de plus en plus compliquée pour cette famille, qui ne peut plus rester dans le logement mis à disposition par la commune de Plombières. Ils ont dû signer un document. Cela va conduire la famille à se retrouver dans un centre de rapatriement, d’expulsion vers son pays."

Après un tel délai, cela devient inconcevable de les renvoyer au Salvador

Le directeur du collège se dit particulièrement touché par la situation de cette famille, après avoir vu grandir un des enfants au sein de son établissement scolaire.

"David, l’aîné, est chez nous depuis quelques années et est aujourd’hui en 4e secondaire (le plus jeune des enfants, Daniel (10 ans), est en 5e primaire à l’école communale de Gemmenich), poursuit Benoît Hilligsmann, le directeur du collège Notre-Dame de Gemmenich. Il fait partie de notre école. Après un tel délai, cela devient inconcevable de les renvoyer au Salvador. Cela touche toute la commune. La maman Gonzalès aide bénévolement la commune. Le papa également. David a la volonté de réussir et de faire les choses convenablement. Il a les meilleurs résultats en français. Tout en sachant que depuis qu’ils sont ici, ils ont une épée de Damoclès au-dessus d’eux. Déjà en 2021, on leur a signifié qu’ils ne pouvaient pas rester en Belgique. Ils sont entrés dans un système de recours, avec des procédures très longues. Puis, on se retrouve 6 ans plus tard avec une décision, qui tombe de manière assez violente sur la tête d’un gamin qui n’attend qu'une chose, terminer ses études et travailler."

C’est un cri du cœur

Selon Benoît Hilligsmann, le dossier de la famille Gonzalez "n'est plus le même" que lors de leur arrivée en Belgique. "Je pense qu’au niveau des recours, pour la plupart, on est arrivé au bout. Mais le dossier n’est plus le même qu’il y a 6 ans. Le dossier qui a été introduit en 2021 n’est plus le même, car il y a l’intégration des élèves, il y a un parcours scolaire. On aimerait que les autorités revoient leur position, compte tenu du temps qui est passé. Notre idée est de sensibiliser le politique et de voir s’il n’y a pas lieu pour cette famille de faire appel au bon sens. Ils sont parfaitement intégrés et il y a peut-être lieu de régulariser compte tenu de tout ce temps qui est passé. La ministre doit peut-être trancher et tenir compte de tout ce trajet d’intégration qui a eu lieu."

"C’est un cri du cœur", ajoute Benoît Hilligsmann. "Nous n’avons pas la prétention de dire ce qu’il faut faire, et faire les lois à la place des ministres. C’est juste dire qu’il y a quelque chose d’anormal, d’absurde qui se déroule. Cela nous arrache le cœur. Cette mobilisation vient aussi des élèves qui ont vraiment du mal à supporter cette situation. Ils côtoient David au jour le jour, et ils voient le mérite qu’a ce petit gamin de venir à l’école en souriant, alors qu’on va peut-être lui annoncer, demain, en fin d’année, ou dans deux ans, qu’il ne sera plus là."

gonzales

Le 12 mars dernier, le CPAS de Plombières a par ailleurs dû acter le retrait du logement dont bénéficiait la famille Gonzalès. "Fedasil a mis fin au logement ILA (Initiative Locale d’Accueil) que le CPAS avait mis à disposition de la famille. Lorsque leur procédure d’asile s’est terminée de manière négative en 2021, Fedasil les a autorisés à rester dans l’initiative locale d’accueil. Les mois et les années ont passé, et en 2025, ils sont toujours là", explique Luc Hagelstein, le directeur général du CPAS. "Fedasil est en train de regarder qui est dans les initiatives locales depuis un bon moment. Ils ont remarqué que ces gens-là sont présents chez nous depuis pas mal d’années. Ils ont décidé que le séjour dans l’initiative locale ici à Plombières allait devoir se terminer. C’est le gros problème. La famille est super bien intégrée dans la commune d’un point de vue scolaire." 

Et d'ajouter: "Pour le moment, ils sont autorisés à rester dans l’ILA, mais du jour au lendemain, Fedasil peut leur désigner un centre de retour qui va les amener au Salvador, chose qu’ils n’ont absolument pas envie de faire. C’est pour ça qu’il y a eu une levée de boucliers dans la population, dans les écoles… pour demander que cette famille ne soit pas renvoyée dans son pays. Leur avocate a introduit une nouvelle demande de régularisation du séjour pour long séjour ici en Belgique, auprès de la ministre fédérale de l’Asile et de la Migration. La ministre n’a pas de délai pour répondre. (...) On croise les doigts pour que ça se termine de façon heureuse. Les gens ne comprennent pas trop comment il est possible qu’une famille pareille doive un jour retourner au Salvador alors qu’ils sont présents ici depuis autant d’années. C’est difficile à expliquer. "

Le système d’accueil en Belgique est totalement saturé

La ministre chargée de l’Asile et de la Migration, Anneleen Van Bossuyt (N-VA), dit de son côté "comprendre évidemment que c’est un message difficile à entendre pour la famille et la communauté. Mais le système d’accueil en Belgique est totalement saturé. Nous voulons, et nous allons, accueillir de manière humaine les personnes qui y ont droit", indique-t-elle. "Il existe des procédures dans le cadre desquelles nos services prennent des décisions en toute indépendance. Tout le système repose sur des décisions claires. Si le Commissariat estime que les demandeurs n’ont pas droit à une protection, nous devons suivre cette décision."

 

Dominique Ernould, la porte-parole de l’Office des étrangers, précise qu'il s'agit "d'un dossier relativement classique". "Une famille qui est arrivée en Belgique il y a quelques années et qui a demandé l’asile. Ce qui ne lui a pas été accordé. Sans doute, qu’ils ne remplissaient pas toutes les conditions. Ils ont tenté les voies de recours en appel, mais toutes les procédures se sont clôturées négativement. On notifie du coup un ordre de quitter le territoire. Ils doivent retourner vers leur pays d’origine. Ils ne doivent pas y retourner dans les deux jours. On sait qu’ils sont ici en Belgique depuis plusieurs années. Ils ont la possibilité d’avoir un temps nécessaire pour pouvoir préparer leur retour dans des conditions décentes. À ce stade, c’est la seule solution possible. Tous les recours sont clôturés. Ils ne peuvent pas rester en Belgique et doivent retourner au Salvador. Peut-être que l’avocate a encore la possibilité de faire rentrer l’un ou l’autre élément en extrême urgence. Cela reste une possibilité."

Combien de familles se retrouvent dans une situation similaire à celle vécue par la famille Gonzalès en Belgique? "Il est difficile d’évaluer le nombre de personnes qui se retrouvent dans la même situation. Il y aurait 2 à 3.000 familles dans une situation similaire. Cela reste une petite partie quand on considère l’ensemble des ordres de quitter le territoire qu’on nous donne. Elles sont majoritairement données à des hommes seuls (85%), qui se retrouvent dans des situations d’expulsion", précise Dominique Ernould. "Un délai de 6 ans, est-ce rare ? Une procédure d’asile ne dure pas 6 ans, mais à partir du moment où les personnes introduisent des recours, on sait que la justice est lente, qu’il y a énormément de dossiers, et cela justifie ce délai. C’est vrai que les personnes peuvent être intégrées sur le territoire belge, depuis parfois plusieurs années. C’est le recours à des procédures qui allonge le temps passé en Belgique", conclut la porte-parole de l’Office des étrangers.

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