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Une décision incompréhensible et inattendue ébranle toute une école communale à La Hulpe, dans le Brabant wallon. Quelques jours avant la rentrée scolaire, une des institutrices a appris une mauvaise nouvelle. Après 18 ans à partager le quotidien des enfants dans cet établissement scolaire, Audrey ne peut plus garder sa classe de maternelle et son avenir est incertain.
« C’est très émouvant et difficile », confie Jim, un parent d’élèves, qui a décidé de dénoncer cette situation via notre bouton orange Alertez-nous. « C’est sa première école. Elle y enseigne depuis tellement longtemps, c’est un vrai monde pour elle », souligne le père de famille.
Un peu plus d’un mois après l’annonce, Audrey reste très affectée par ce changement professionnel radical. « Ça fait 18 ans que je travaille dans cette école, où j’étais passionnée, investie. J’ai même fait plus que mon travail d’enseignante : j’ai créé le logo, géré le site, les réseaux sociaux, amené le projet numérique… C’était toute ma vie », murmure-t-elle avec émotion.
J’ai dû décrocher toutes mes photos, c’est une torture
Après autant de temps passé au sein de l’école maternelle des « Lutins », cette institutrice âgée de 40 ans n’imaginait pas être « écartée » au profit d’une autre enseignante. « J’ai toujours fait le maximum. Et pourtant, je dois quitter mon école, mes collègues, mes élèves… J’avais un mur entier avec mes années de photos de classe. J’ai dû les décrocher une à une. C’est une torture. »
Même si Audrey est nommée depuis plusieurs années, elle a perdu sa place, faute d’inscriptions suffisantes dans une autre école communale. Une institutrice, également nommée, est prioritaire en raison de son ancienneté. « Suite au comptage du nombre d’élèves, il y a eu un effet domino. Cela a eu un impact sur le nombre d’emplois dans l’autre école. Et il faut respecter le critère d’ancienneté. J’ai donc dû me séparer d’Audrey et accueillir une autre enseignante », explique avec regret Nancy Marchal, la directrice de l’école des « Lutins ».
Une règle basée sur l’ancienneté
Une règle confirmée par l’administration de l’enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. « Le nombre d’emplois disponibles dans une école pour l’encadrement des élèves est déterminé par la population scolaire de celle-ci. Une baisse de la population a donc pour conséquence une réduction du volume d’emplois disponibles », indique le service communication.
« Dans l’enseignement communal, où le même pouvoir organisateur est amené à gérer plusieurs établissements différents sur son territoire, les effets de cette perte d’emplois sont globalisés sur l’ensemble des membres du personnel exerçant la même fonction, en tenant compte d’un critère d’ancienneté », complète l’administration.
En résumé, une réduction du nombre d’emplois organisés dans l’école A peut donc avoir pour effet une perte d’emplois dans l’école B, le membre du personnel plus ancien de l’école A retrouvant un emploi dans l’école B au détriment d’un autre membre du personnel moins ancien.
C’est archaïque et inhumain
Ce système actuel est décrié par la directrice des « Lutins » car il tend à impacter directement l’équipe pédagogique. « C’est archaïque et inhumain. Et le départ d’Audrey est une grande perte pour l’école. Étant donné qu’elle est notre référente numérique, cela met en péril nos projets éducatifs », regrette Nancy Marchal. « C’est un système absurde. On déplace des enseignants dans des écoles qui fonctionnent bien pour compenser celles qui sont en difficulté. On casse des projets pédagogiques solides au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes », estime également Audrey, complètement dépitée. « C’est cruel et pernicieux. Cela ne récompense pas les professeurs les plus motivés », souligne enfin Jim, papa de trois enfants.
Selon lui, de nombreux parents se sentent impuissants face à cette situation : « On est démunis parce qu’on ne peut pas faire grand-chose. Mais je sais que ça lui fait beaucoup de bien de savoir qu’elle est soutenue et appréciée, d’autant plus que son avenir est très flou ».
Un avenir incertain
Depuis le mois de septembre, Audrey travaille toujours au sein de l’école des « Lutins ». L’institutrice de 40 ans est « à disposition » du pouvoir organisateur. « Pour l’instant, je lui ai confié des tâches dans le numérique. Mais c’est très difficile pour elle de passer devant sa classe », regrette la directrice. « C’est le flou total. Moi, j’ai besoin de projets, de construire, de créer. Et là, on me dit juste que je suis à disposition », déplore l’enseignante maternelle.
D’après la directrice des « Lutins », elle risque de devoir quitter l’école après les vacances d’automne en intégrant la commission de réaffectation. Concrètement, Audrey, qui habite Rixensart, pourrait être réaffectée ailleurs, là où il y a un emploi vacant.
Ce futur incertain renforce le sentiment d’injustice de l’institutrice : « On s’étonne que l’enseignement aille mal. Après 18 ans à faire plus que le nécessaire, à toujours me donner à fond, je me retrouve écartée ».
Face à cette incertitude qui risque de chambouler sa vie de famille, Audrey envisage même de changer de métier. Une profession qu’elle exerce pourtant avec passion.
















