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Les camions et leurs 9 tonnes, 3 mètres de long et 1.000 chevaux, forment une communauté à part du Dakar: en l'absence des Russes à bord de leurs surpuissants Kamaz, ces véloces, gourmands en carburant, se livrent un combat acharné en Arabie saoudite.
"C'est la première fois que les jeux sont ouverts: ceux qui étaient derrière sont maintenant devant", commente le jeune pilote néerlandais Janus Van Kasteren (Iveco), actuel leader du classement général.
"C'est +l'éclate+, on fait vraiment autre chose que suivre la trace des Russes qui dominaient tout avec leur budget illimité. C'est super excitant, ça change tout de se dire qu'on est engagé pour une fois pour la victoire, et donc on attaque comme des fous", s'emballe Martin Macik (Ivesco) au départ d'une spéciale dans une ambiance décontractée, loin de la concentration et du sérieux des autos.
Le Tchèque de 33 ans s'accroche au podium (3e), les deux premiers Van Kasteren et Martin Vandenbrink n'étant séparés que de 30 minutes, soit le temps nécessaire pour changer un... pneu.
Un temps leader, un autre Tchèque, Ales Loprais, a perdu tout espoir de remporter la victoire finale mardi après avoir été impliqué dans un accident fatal à un touriste italien pendant la course.
Présents depuis les débuts du mythique rallye-raid en 1978, les camions ont officiellement fait leur entrée dans les classements en 1998.
- "Les rois du désert" -
Éclipsés par les autos et leurs pilotes stars, les camions sont eux aussi spectaculaires, avec les ornières qu'ils creusent, les gerbes de sable qu'ils projettent sans parler des énormes panaches de fumée noire crachés à chaque accélération.
Ils étaient 55 le 31 décembre sur la ligne de départ près de Yanbu (ouest), une quinzaine de T51 et le reste des T52. Les premiers sont plus puissants et performants et là pour la victoire, les seconds transportent des roues et des pièces pour les concurrents des autres catégories (autos, moto, quad).
"On est les rois du désert: on est plus lourd, mais on peut faire à peu près la même chose que les voitures, et on va plus vite dans les pierres", commente Martin Macik qui décrit des "sensations inimaginables depuis la cabine à 3 mètres du sol: ça secoue dans tous les sens".
"On est bridés à 140 km/h mais on est plus vite que les voitures 40 à 50 fois par étape. Les sensations sont très fortes: dans les dunes par exemple, tu ne vois plus que le ciel, et c'est comme skier dans la neige fraîche", décrit le pilote Albert Llobera, qui a abandonné pour raison mécanique.
"Les skis sont les pneus, les suspensions sont les genoux et comme au ski, il faut regarder vite et loin en camion", raconte cet ancien espoir de l'équipe olympique d'Andorre de ski devenu paraplégique après une chute en compétition.
- Réservoir de 800 litres -
L'autre différence est qu'"il y a beaucoup plus d''anticipation qu'en moto", commente sa copilote et nièce Margot Llobera, 26 ans et novice dans la discipline. "Tu dois tout voir avant, car il faut aussi anticiper pour pouvoir freiner", ce bolide de 9 tonnes.
"Au début, tu retiens ton souffle tout le temps, tu as l'impression que tu vas tomber à chaque virage c'est la panique totale tant que tu ne t'es pas habituée aux réactions du camions", dit celle qui pilote d'habitude une moto.
L'équipage comprend aussi un "mécano", posté entre le pilote et le copilote. "Je m’occupe des paramètres du camion: je change la pression des pneus en fonction des changements de terrain, je contrôle la température, je fais aussi les essuie-glaces", raconte Jaromir Martinec de la République tchèque où la discipline est populaire, lancée il y a 30 ans avec la marque Tatra.
"Nous avions des équipes d'usine très performantes, on a eu aussi Karel Loprais, six fois vainqueur du Dakar", raconte-t-il avant d'évoquer pour la suite des projets de camions moins polluants.
"Il va falloir aller vers ça", dit-il depuis la pompe à essence où il est en train de déverser dans son réservoir quelques 800 litres de carburant, fourni gratuitement par Aramco, partenaire d'ASO.
Le litre coûte 19 centimes dans le royaume ultra-conservateur, de quoi freiner les élans d’innovation.