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Des satellites russes observés depuis le jardin de Raphaël: "C'est la problématique des débris spatiaux"

Raphaël, 30 ans, aide à domicile à Colfontaine (dans la province de Hainaut) et passionné d’astronomie, a récemment observé deux satellites russes depuis son jardin. Jean-François Mayence, président des jurys scientifiques du "pôle espace" à la Politique scientifique fédérale (BELSPO), apporte un éclairage sur ces satellites et les enjeux qu’ils soulèvent.

Chaque soir, depuis son jardin situé dans le village de Wasmes (Colfontaine), Raphaël scrute le ciel à l’aide de son petit télescope et de l’application Stellarium, qui cartographie l’espace en temps réel. Le 13 mai dernier, entre 23h et 23h10, un point lumineux inhabituel attire son attention (une longue ligne blanche sur la photo car capturée en pose longue par l'astronome amateur).

"J’ai consulté mon appli et elle référençait un ancien satellite russe hors service", raconte-t-il, l'air étonné. Il s’agissait de Cosmos 1743 et 2408, deux anciens satellites russes toujours en orbite autour de la Terre. "J’ai vérifié sur Stellarium et puis sur Internet, et c’était bien ça. C’est la première fois que je tombe sur des satellites !", ajoute-t-il. 

La problématique des débris spatiaux

Cette observation n’est pas un cas isolé. De nombreux satellites hors service restent en orbite longtemps après la fin de leur mission. "C’est un problème à l’agenda international depuis plusieurs décennies, c'est la problématique des débris spatiaux", explique Jean-François Mayence, expert en droit spatial. "Un grand nombre d'objets sont en orbite pour plusieurs dizaines, voire centaines d’années. Certains sont détectables par des moyens optiques, d’autres sont trop petits pour être pistés", poursuit le spécialiste. 

Concernant les satellites observés par Raphaël, leur statut reste flou. "Cosmos 1743 n’a pas été notifié comme non-fonctionnel, même si un satellite orbitant depuis presque 40 ans a peu de chances de l’être encore", précise Jean-François Mayence. "Cosmos 2408, quant à lui, a été lancé en 2004, et n’est pas non plus officiellement déclaré hors service”, ajoute-t-il. Les données officielles, répertoriant les satellites, sont par ailleurs accessibles via le Bureau des Nations Unies pour les affaires spatiales (UNOOSA).

Mais ces "débris spatiaux" peuvent être dangereux, même les plus petits. "Les débris de moins de 10 cm de diamètre peuvent détruire ou rendre non-fonctionnel un satellite", alerte Jean-François Mayence. "Cette population de débris s’étend sur plusieurs types d’orbites, en particulier l’orbite basse (environ 300 km à 2000 km d’altitude) et menace un grand nombre de systèmes spatiaux, notamment les vols habités", précise-t-il. 

Limiter les nouveaux débris ou les évacuer 

Face à cette prolifération d’objets en orbite, plusieurs solutions sont envisagées. "Aujourd’hui, l’effort va vers une limitation des nouveaux débris créés (nouveaux matériaux, missions prolongées, déorbitage ou réorbitage en fin d’activité), mais aussi vers certaines solutions pour l’évacuation des débris existants par capture ou déroutage au moyen d’appareils spécifiques", explique Jean-François Mayence. 

La solution la plus répandue aujourd’hui est celle du déorbitage, c’est-à-dire faire retomber le satellite dans l’atmosphère terrestre. "La plupart des satellites se désintègrent durant cette rentrée. Si cette solution contribue à libérer l’orbite terrestre d’objets devenus inutiles, elle présente néanmoins le risque de pollution de l’atmosphère. Ce phénomène est encore méconnu, mais il paraît évident que la rentrée dans l'atmosphère de dizaines de milliers de satellites aura un impact", explique Jean-François Mayence. 

Certains débris finissent même leur course dans l’océan Pacifique sud, dans une zone d'inaccessibilité: le point Nemo. "L’impact cumulé sur cette zone marine devrait également être mesuré", ajoute-t-il. 

Le droit spatial veille à encadrer la problématique. "Les États poursuivent des discussions en vue de l’adoption de normes techniques et juridiques communes visant à freiner la production de débris spatiaux et à permettre l’évacuation de certains", conclut Jean-François Mayence. Des lignes directrices de l’ONU existent, comme la "Zero Debris Charter" adoptée par l’Agence spatiale européenne (ESA). En Belgique aussi, la législation impose des règles strictes aux opérateurs. 

Si lever les yeux vers les étoiles reste un émerveillement pour les passionnés comme Raphaël, c’est aussi une manière de prendre conscience que notre responsabilité s’étend bien au-delà de notre atmosphère. 

 

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