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John espère que sa Harley-Davidson arrivera en Belgique avant le 1er avril: "Devrai-je payer plus cher avec les nouveaux droits de douane?"

L’achat d’une Harley-Davidson pourrait coûter plus cher à John en raison des nouvelles taxes européennes annoncées sur certains produits américains. Alors que sa moto est sur un bateau en direction de la Belgique, l'habitant de Tournai craint de devoir payer un supplément de plusieurs milliers d'euros quand son véhicule arrivera sur le sol européen. Sa situation illustre les interrogations qui existent aujourd'hui autour des répercussions des mesures commerciales entre l’Union européenne et les États-Unis.

Depuis quelques années, John rêvait de s'offrir une moto Harley-Davidson flamblant neuve. En janvier dernier, l'habitant de Tournai (en province de Hainaut) s'est rendu chez un concessionnaire et a commandé son nouveau véhicule.

Sa future moto d'une valeur de 37.000 euros, construite aux Etats-Unis, est actuellement sur un bateau direction la Belgique. Et John craint que sa Harley-Davidson n'arrive pas avant le mois d'avril. "On parlait de 6 semaines de transport, et elle était sur le bateau le 14 février. Cela devrait passer tout juste", dit-il.

John s'inquiète car la Commission européenne a annoncé qu'elle appliquerait des droits de douane "forts mais proportionnés" sur une série de produits américains à partir du 1er avril, en réponse aux taxes américaines de 25% sur l'acier et l'aluminium. Et les motos font partie d'une liste de produits américains qui vont être taxés.

"Quand je vois les informations, j’ai un peu peur de me prendre 9.000 euros en plus pour l’achat de la moto. Ce qui ne va pas le faire. C’est une moto que j’ai envie d’avoir depuis des années", confie-t-il.

Et de poursuivre: "Normalement, elle devrait pouvoir arriver fin mars, mais il y a une crainte qu’il y ait un peu de retard et qu’elle arrive début avril. Comme la taxe européenne commence à partir du 1er avril, je ne sais pas comment ça se passe. Je ne sais pas si le droit de douane est impacté au départ du bateau ou à l’arrivée en Belgique. Est-ce que c’est au moment où elle arrive sur le port. Est-ce que c’est au départ des Etats-Unis que la taxe va être payée? Je ne sais pas ce qu’il va se passer si la moto arrive en avril." 

Sa crainte est plus que justifiée

Quelle est la réglementation ? A quel moment, ces nouvelles taxes seront-elles appliquées ? Jonathan Avau, le porte-parole de l'Agence wallonne à l'exportation (Awex), répond:

"Sa crainte (celle de John) est plus que justifiée, car il risque d’avoir une mauvaise nouvelle. Il y a ce qu’on appelle la date d’entrée dans l’Union européenne, la date de dédouanement. C’est à ce moment-là que les taxes douanières vont s’appliquer, au moment où le bien arrive sur le territoire de l’Union européenne. Il sera soumis aux formalités douanières. C’est à ce moment-là qu’ils vont évaluer la marchandise, appliquer les droits de douane et la TVA en fonction des règles en vigueur. Il y a donc un risque que sa Harley-Davidson soit taxée avec la nouvelle taxe. C’est aujourd’hui ce qu’il risque de lui arriver", indique Jonathan Avau.

Et d'ajouter: "On se demande si l’Union européenne pourrait décider de mettre en place une période tampon par rapport aux dates d’achat pour permettre aux gens qui ont acheté un bien avant l’entrée en vigueur de cette nouvelle taxe, de ne pas devoir payer ce supplément. Mais il faudrait qu’elle nous donne des signaux dans ce sens-là, ce qu’elle n’a pas encore fait. Si la moto arrive avant le 1er avril, il n’y aura pas l’augmentation de 25%. Mais si elle arrive en avril, à l’heure actuelle, il devra payer le supplément. Au cas par cas, il peut y avoir un geste commercial de la part du concessionnaire. Cela dépend du contrat. (...) Pour les achats d’un plus gros montant, il risque donc d’y avoir des mauvaises surprises, si ça rentre dans les produits ciblés par l’Union européenne. L’Harley-Davidson est un très bon exemple, un peu emblématique, car il y avait déjà eu cette situation lors de la première présidence de Donald Trump. C’était déjà un bien qui avait été surtaxé. Si le concessionnaire peut protéger le consommateur et le client, c’est évidemment tout bénéfice pour eux. Mais ça serait une initiative purement indépendante." 

De son côté, Christophe Dubon, le porte-parole de la Febiac (la Fédération de l'automobile et du cycle en Belgique), indique que "dans ce cas-ci, la personne (John) qui a commandé la Harley-Davidson doit se référer aux clauses qui figurent dans le contrat d’achat qui a été signé entre elle et la marque. Plus particulièrement, il figure en général une mention relative à une évolution des taxes entre le moment de la signature de l’acte d’achat et la livraison du véhicule. Soit la marque absorbe cette variation de la taxe, soit elle la répercute (en tout ou en partie) sur le client."

Christophe Dubon précise par ailleurs que le marché moto en Belgique est très largement dominé par les marques européennes et japonaises (Harley-Davidson compte pour 1,6% du marché sur les 2 premiers mois de 2025). "Dès lors, nous n’attendons pas un effet direct massif  (des nouvelles taxes) sur le marché", affirme-t-il.

 

Quels impacts pourraient avoir les droits de douane américains et les contre-mesures européennes en Belgique? Nous avons posé la question à Philippe Ledent, économiste chez ING.

"La première chose à dire pour le consommateur, c’est qu’aujourd’hui, on en est dans des annonces tous les 2-3 jours. Assurer concrètement aujourd’hui, quels produits seront concernés par des droits de douane, c’est devenu très difficile. Chaque jour, il y a de nouvelles annonces de Trump, et donc il y a des ripostes, et des mesures de rétorsion organisées par la Commission européenne. Aujourd’hui, les produits visés par la Commission européenne à partir du 1er avril, ce sont effectivement les motos et principalement des boissons, les bourbons notamment. C’est un panel très réduit de produits."

Les produits qu’on échange le plus, ce sont des produits pharmaceutiques

D'autres annonces sont-elles attendues prochainement ?

"Il faut bien comprendre que l’Union européenne importe pour l’équivalent de 350 milliards d’euros en provenance des Etats-Unis. Et aujourd’hui, le paquet de premières mesures qui a été décidé par la Commission européenne à l’encontre des USA en rétorsion des droits de douane que les USA imposent sur l’acier et l’aluminium, concerne moins de 30 milliards d’euros d’importation. On est à moins 10% de la valeur de ce que nous importons des USA, qui aujourd’hui est touchée par une première salve de tarifs à l’importation décidée par l’UE. Ce n’est pas de manière agressive. C’est en réponse aux tarifs imposés par les USA."

Et de poursuivre: "A partir du 1er avril, on s’attend à ce que les USA élargissent fortement les droits à l’importation sur les produits européens. Que cela ne concerne pas uniquement l’acier et l’aluminium. On peut s’attendre, qu’à partir de là, l’UE annonce d’autres mesures forcément. Là où aujourd’hui, on est sur moins de 10% des importations en provenance des USA qui sont touchés, ça pourrait être beaucoup plus. Cela pourrait donc nous toucher directement ou indirectement sur bien plus de produits en tant que consommateur. Aujourd’hui les échanges les plus importants entre les USA et l’UE, ce ne sont pas des produits qu’on trouve en supermarché. Les produits qu’on échange le plus dans les deux sens, ce sont des produits pharmaceutiques. Cela veut dire que l’enjeu de la guerre commerciale est beaucoup plus là, que sur des boissons alcoolisées ou des biens de consommation. Le risque est qu’on ait des guerres commerciales dans ce genre de secteur. Même si c’est beaucoup moins visible, ça pourrait nous toucher beaucoup plus."

Quel pourrait être l'impact sur notre vie quotidienne en Belgique? "Nous ne consommons pas énormément de produits en provenance des USA dans notre quotidien. Ce sont plutôt des produits qui nous touchent indirectement. Cela peut-être des machines qui vont être utilisées dans des entreprises. Si l’entreprise doit payer plus cher pour ses machines, le prix de ce que l’entreprise produira coûtera plus cher forcément. On ne le sait pas toujours. Donc oui, les tarifs que l’UE pourrait mettre en place en rétorsion aux tarifs américains pourraient avoir un impact direct sur toute une série de produits consommés chez nous", conclut l'économiste Philippe Ledent.

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