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"Trois mois que je postule": Sylvie peine à trouver un emploi dans un secteur pourtant en pénurie

L’Horeca fait face à une pénurie de personnel depuis plusieurs années. Le secteur éprouve des difficultés à recruter, malgré plus de 1.500 offres publiées par exemple sur le site du Forem. S’ajoutent à cela des difficultés structurelles (manque de profils qualifiés, conditions de travail jugées peu attractives...). Face à cette pénurie, Sylvie s'interroge car elle ne parvient actuellement pas à trouver un emploi malgré ses années d'expérience.
 

Alors que le secteur de l’Horeca déplore une pénurie de main-d’œuvre, des demandeurs d’emploi comme Sylvie ne comprennent pas le manque de réponses à leurs candidatures. "Cela fait trois mois que je postule, et personne ne me répond", assure-t-elle. "J’ai des années d’expérience, et pourtant, ils n’ouvrent même pas les candidatures..."

Son témoignage met en avant une situation paradoxale, car ce secteur lance depuis quelques années un appel à l'aide face à la pénurie, comme nous l'expliquent différents experts. Les opportunités d'emploi sont bien présentes, ce qui devrait sans doute permettre à Sylvie de trouver un emploi, car il n'y a jamais eu une telle pénurie de personnel dans les hôtels, cafés et restaurants.

La question qui se pose d'ailleurs aujourd'hui est plutôt "Comment trouver des travailleurs pour l'Horeca?" 

Un secteur "sous tension" 

Sur le site du Forem, par exemple, sur 40.000 offres d'emploi, 1.579 postes sont ouverts dans l’Horeca (près de 290 de ces offres sont assorties d’un contrat à durée indéterminée).

Top 10 des métiers recherchés : 

1. Cuisinier/cuisinière (255 opportunités d’emploi) 
2. Chef(fe) de partie (226)
3. Chef(fe) de cuisine (170)
4. Commis(e) de cuisine (158)
5. Serveur/serveuse dans un restaurant (135)
6. Serveur/serveuse dans un bar ou une brasserie (113)
7. Collaborateur/collaboratrice polyvalent(e) en restauration (95)
8. Barman ou barmaid (90)
9. Assistant(e) de direction d’hôtel/restaurant (74)
10. Chef(fe) de cuisine de collectivité (67)

"Aujourd’hui, il n’y a pas suffisamment de profils positionnés sur ces métiers-là pour répondre aux besoins du secteur", dit Thierry Ney, le porte-parole du Forem. "Ces offres d’emploi partent moins vite que les autres puisqu’elles sont considérées en 'pénurie' ou en 'tension'."

"Beaucoup d’offres ne passent par ailleurs pas par les canaux officiels comme Actiris ou le Forem", souligne Martin Stameschkine, chargé de communication pour la Fédération Horeca Bruxelles. "Le recrutement dans l’Horeca se fait encore beaucoup via le bouche-à-oreille ou les réseaux sociaux."

La Fédération Horeca Wallonie estime entre 1.500 et 2.000 le nombre de postes vacants par trimestre, et précise de son côté que la pénurie perdure depuis plus de quatre ans.

Comment expliquer cette pénurie de main-d’œuvre?

Quatre facteurs principaux expliquent cette situation, selon Linda Di Nizio, chargée de communication pour la Fédération Horeca Wallonie: une baisse d’attractivité (le défi: faire connaître les atouts du secteur), des réorientations post-Covid, une nouvelle vision des salariés sur le rapport vie professionnelle-vie privée, et un manque de qualification pour certains métiers (la formation d’un cuisinier demande un apprentissage technique et approfondi).

"Le secteur souffre aussi encore d’une image négative : horaires décalés, pression, instabilité… Or, beaucoup de ces éléments ont évolué", affirme de son côté Martin Stameschkine. "Par ailleurs, le secteur Horeca étant très large (restaurants, traiteurs, cafés, bars, clubs, hôtels, snacks, salons de thé…), il englobe des entreprises aux profils différents qui offrent autant de rythmes de travail, de conditions de travail que de types de métiers au sein de l’Horeca avec des spécificités propres… que l’on peut difficilement en conclure des généralités."

Le porte-parole de la Fédération Horeca Bruxelles ajoute: "Suite à la crise du covid, la fréquentation des formations Horeca a chuté, ce qui engendre à posteriori un manque de personnel qualifié pour certaines fonctions. Depuis peu, la tendance est à la reprise, et les formations s’adaptent en outre aux nouveaux types de besoins émergents au sein du secteur." 

Un manque de profils formés 

Tous les métiers de l’Horeca ne sont pas équivalents en termes de qualification. "La formation d’un cuisinier prend par exemple davantage de temps alors que celle d’un serveur peut être réalisée plus rapidement. Cette réalité, et un manque d’incitants (notamment salariaux), rend le recrutement compliqué", Thierry Ney, le porte-parole du Forem.

"Si on veut attirer les bons profils, il faut proposer des contrats stables, penser à des avantages complémentaires, à la mobilité", ajoute Thierry Ney. "Le CDI reste un levier central : 6 postes sur 10 en proposent dans le top 10 des fonctions recherchées, ce qui est pas mal."

Quelles conséquences pour les restaurateurs?

Les petites structures souffrent davantage que les grandes enseignes. "Avec des marges réduites, difficile de proposer des salaires compétitifs", rappelle la Fédération Horeca Bruxelles, qui met notamment en avant la taxation des pourboires.

 

Face à la pénurie, la Fédération Horeca Wallonie ajoute que les restaurateurs doivent s’adapter avec des journées de fermeture supplémentaires, une carte réduite, ou encore un recours à du personnel supplémentaire (extras, flexi, étudiants, intérimaires). "Ce qui est important de souligner, c’est l’impact économique majoritairement négatif pour le restaurateur et le secteur", souligne Linda Di Nizio.

"Le nombre d’étudiants jobistes a quadruplé en dix ans", précise Martin Stameschkine. "Mais cette solution, bien que précieuse, pose la question de la stabilité, de l’expérience et de la professionnalisation des équipes."

Les conséquences pour les restaurateurs ? "Elles sont concrètes et lourdes: réduction des jours ou horaires d’ouverture, épuisement des équipes en place, baisse de la qualité de service, et ralentissement du développement de l’activité ou abandon de projets", indique Martin Stameschkine.

Quelles pistes?

Les fédérations du secteur s’accordent sur plusieurs pistes :

  • Renforcer les campagnes de valorisation du secteur
  • Simplifier les démarches de recrutement, notamment pour les travailleurs étrangers
  • Soutenir les employeurs via des incitants fiscaux à la formation et à l’embauche
  • Les restaurateurs utilisent les réseaux sociaux pour diffuser plus largement leurs offres d’emploi 
  • Les restaurateurs font appel à des travailleurs issus de la migration économique  
  • Ces commerces digitalisent partiellement leurs activités (prise de commande, réservations, fours intelligents...)
  • Des formations plus adaptées aux réalités du terrain

"Il faut redonner de la fierté à ces métiers", conclut Martin Stameschkine. "Reconnaître que derrière chaque service, il y a un savoir-faire. Et derrière chaque difficulté, un potentiel humain à révéler."

"C’est un beau secteur. Il ne faut pas avoir fait de grandes études pour travailler dans ce secteur, mais ce sont des compétences incroyables que vous allez acquérir : travailler en équipe, faire preuve de flexibilité, un contact avec la clientèle,… Toutes ces compétences, si vous voulez changer de secteur après, ce sont des softskills qui seront très attendus, très recherchés dans d’autres secteurs", souligne Thierry Ney.

Et d'ajouter: "Mon message est positif pour ceux et celles qui ont peu de qualifications. On sait qu’aujourd’hui que sur près de 250.000 demandeurs d'emploi, 45% d’entre eux n’ont pas le CESS (Certificat d'Enseignement Secondaire Supérieur). Donc, pas mal des offres d’emploi à pourvoir sont pour beaucoup liées à la cuisine, mais à côté de ça, il y a aussi des serveurs. Ce sont aussi des métiers qui peuvent être exercés moyennant une très brève formation. Ce secteur peut représenter une belle opportunité pour celles et ceux qui ne disposent pas du CESS ou d’autres qualifications recherchées actuellement sur le marché de l’emploi."

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